n'avait jamais ose penetrer, ne
lui rappelait que des souvenirs melancoliques et doux. C'etait la que,
fuyant le monde, elle avait lu et reve au parfum de ces fleurs d'une
beaute sans egale que l'on ne trouve qu'a Paris et qui font aujourd'hui
partie de la vie des femmes aisees. Elle avait rendu cette retraite
poetique autant qu'elle l'avait pu; elle l'avait ornee et embellie pour
elle-meme; elle s'y etait attachee comme a un asile mysterieux, ou les
douleurs de sa vie et les orages de son ame s'etaient toujours apaises
dans le recueillement et la priere. Elle y promena un long regard
d'affection, puis elle prononca, en elle-meme, la formule d'un eternel
adieu a tous ces muets temoins de sa vie intime... vie cachee comme
celle de la fleur qui n'aurait pas une tache a montrer au soleil, mais
qui penche sa tete sous la feuillee par amour de l'ombre et de la
fraicheur.
--Retraite de mon choix, ornements selon mon gout, je vous ai aimes,
pensa-t-elle; mais je ne puis plus vous aimer, car vous etes les
compagnons et les consecrateurs de la richesse et de l'oisivete. Vous
representez a mes yeux, desormais, tout ce qui me separe d'Henri. Je
ne pourrais donc plus vous regarder sans degout et sans amertume.
Quittons-nous avant de nous hair. Severe madone, tu cesserais de me
proteger; glaces pures et profondes, vous me feriez detester ma propre
image; beaux vases de fleurs, vous n'auriez plus pour moi ni graces ni
parfums!
Puis, avant d'ecrire a Henri, comme elle l'avait resolu, elle alla sur
la pointe du pied contempler et benir le sommeil de son fils. La vue
de ce pale enfant, dont l'intelligence precoce s'etait developpee aux
depens de sa force physique, lui causa un attendrissement passionne.
Elle lui parla dans son coeur comme s'il eut pu, dans son sommeil,
ecouter et comprendre les pensees maternelles.
--Sois tranquille, lui disait-elle, je ne _l'aime_ pas plus que toi.
N'en sois pas jaloux. S'il n'etait pas le meilleur et le plus digne
des hommes, je ne te le donnerais pas pour pere. Va, petit ange, tu es
ardemment et fidelement aime. Dors bien, nous ne nous quitterons jamais!
Marcelle, toute baignee de larmes delicieuses, rentra dans sa chambre et
ecrivit a Lemor ce peu de lignes:
"Vous avez raison, et je vous comprends. Je ne suis pas digne de vous;
mais je le deviendrai, car je le veux. Je vais partir pour un long
voyage. Ne vous inquietez pas de moi, et aimez-moi encore. Dans un an,
a pareil jour, vous recevre
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