tendait a
recevoir. Mais, d'une part, Marcelle ne lui en fit aucun, et de l'autre,
le farinier l'accabla de tant de moqueries, qu'il ne put avoir le
dernier avec lui, et remonta tout penaud sur son brancard. Le petit
Edouard supplia sa mere de le laisser aller a cheval devant le meunier
qui le prit dans ses bras avec amour, en disant tout bas a la vieille
Marie:
--Si nous en avions un comme ca pour nous rejouir a la maison? hein,
mere? Mais ca ne sera jamais!
Et la mere comprit qu'il ne voulait se marier qu'avec celle a laquelle
il ne pouvait raisonnablement pretendre.
VII.
BLANCHEMONT.
Marcelle ayant embrasse la meuniere et largement recompense en cachette
les serviteurs du moulin, remonta gaiement dans l'infernale patache.
Son premier essai d'egalite avait epanoui son ame, et la suite du
roman qu'elle voulait realiser se presentait a ses yeux sous les plus
poetiques couleurs. Mais le seul aspect de Blanchemont rembrunit
singulierement ses pensees, et son coeur se serra des qu'elle eut
franchi la porte de son domaine.
En remontant le cours de la Vauvre, et apres avoir gravi un mamelon
assez raide, on se trouve sur le _tre_ ou _terrier_, c'est-a-dire le
tertre de Blanchemont. C'est une belle pelouse ombragee de vieux
arbres, et dominant un site charmant, non pas des plus etendus de la
Vallee-Noire, mais frais, melancolique et d'un aspect assez sauvage, a
cause de la rarete des habitations dont on apercoit a peine les toits de
chaume ou de tuile brune au milieu des arbres.
Une pauvre eglise et les maisonnettes du hameau entourent ce tertre
incline vers la riviere, qui fait en cet endroit de gracieux detours. De
la un large chemin raboteux conduit au chateau situe un peu en arriere
au-dessous du tertre, au milieu des champs de ble. On rentre en plaine,
on perd de vue les beaux horizons bleus du Berri et de la Marche. Il
faut monter aux seconds etages du chateau pour les retrouver.
Ce chateau n'a jamais ete d'une grande defense: les murs n'ont pas
plus de cinq a six pieds d'epaisseur en bas, les tours elancees sont
encorbellees. Il date de la fin des guerres de la feodalite. Cependant
la petitesse des portes, la rarete des fenetres, et les nombreux debris
de murailles et de tourelles qui lui servaient d'enceinte, signalent un
temps de mefiance ou l'on se mettait encore a l'abri d'un coup de main.
C'est un caste! assez elegant, un carre long renfermant a tous les
etages une seule grande piece, avec qu
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