des
economies; c'est la vie des campagnards comme moi. Mais pour vous autres
gens des villes, c'est un revenu miserable. Ainsi donc, un bien de
cinquante, cent mille francs au plus, trouvera parmi mes pareils
des acquereurs empresses. Un bien de huit cent mille francs depasse
generalement nos moyens, et il vous faudra chercher, dans l'etude de
votre notaire a Paris un capitaliste qui ne sache que faire de ses
fonds. Pensez-vous qu'il y en ait beaucoup _au jour d'aujourd'hui_?
Quand on peut jouer a la bourse, a la roulette, aux _z'houlieres_, aux
chemins de fer, aux places et a mille autres gros jeux? Il vous faudra
donc rencontrer quelque vieux noble peureux qui aime mieux placer son
argent a deux pour cent, dans la crainte d'une revolution, que de se
lancer dans les belles speculations qui tentent tout le monde _au
jour d'aujourd'hui_. Encore faudrait-il qu'il y eut une belle maison
d'habitation ou un vieux rentier put venir finir ses jours. Mais vous
voyez votre chateau? je n'en voudrais pas pour les materiaux. La
peine de le jeter par terre ne vaudrait pas ce qu'on en retirerait de
charpente pourrie et de moellons fendus. Ainsi donc, vous pouvez bien,
en faisant afficher votre terre, la vendre en bloc un de ces matins;
mais vous pouvez bien aussi attendre dix ans; car votre notaire aura
beau dire et imprimer sur ses pancartes, comme c'est l'usage, qu'elle
rapporte trois et trois et demi; on verra mon bail, et on saura que, les
impots defalques, elle n'en rapporte pas deux.
--Voire bail a peut-etre ete conclu en raison des avances que vous aviez
faites a M. de Blanchemont? dit Marcelle en souriant.
--Comme de juste! repondit Bricolin avec aplomb, et mon bail est de
vingt ans; il y en a un d'ecoule, reste dix-neuf. Vous le savez bien,
vous l'avez signe. Apres cela, vous ne l'avez peut-etre pas lu... Dame!
c'est votre faute.
--Aussi, je ne m'en prends a personne. Donc, je ne puis pas vendre en
bloc, mais en detail?
--En detail, vous vendrez bien, vous vendrez cher, mais on ne vous
paiera pas.
--Pourquoi cela?
--Parce que vous serez forcee de vendre a beaucoup de gens dont la
plupart ne seront pas solvables, a des paysans qui, les meilleurs,
s'acquitteront sou par sou a la longue, et, les plus gueux, qui se
laisseront tenter par l'amour de posseder un peu de terre, comme ils
font tous _au jour d'aujourd'hui_, et qu'il vous faudra exproprier au
bout de dix ans, sans avoir touche de revenu. Cela vous ennuier
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