t que Rose faisait allusion a elle-meme, et, desirant savoir
a quel point elle partageait l'amour du Grand-Louis, elle encouragea sa
confiance par un ton de douceur affectueuse. Elles etaient arrivees a la
lisiere de la garenne opposee a celle ou se promenait la folle. Marcelle
se sentait plus a l'aise, et le petit Edouard avait oublie deja sa
frayeur. Il avait repris sa course folatre a portee de l'oeil de sa
mere.
--Votre mere me parait un peu rigide, en effet, dit madame de
Blanchemont a sa compagne; mais M. Bricolin a l'air d'avoir pour vous
plus d'indulgence.
--Papa fait, moins de bruit que maman, dit Rose en secouant la tete.
Il est plus gai, plus caressant; il fait plus de cadeaux, il a plus
d'attentions aimables, et enfin il aime bien ses enfants, c'est un bon
pere!... Mais, sous le rapport de la fortune et de ce qu'il appelle la
convenance, sa volonte est peut-etre plus inebranlable encore que celle
de ma mere. Je lui ai entendu dire cent fois qu'il valait mieux etre
mort que miserable et qu'il me tuerait plutot que de consentir....
--A vous marier a votre gre? dit Marcelle voyant que Rose ne trouvait
pas d'expressions pour rendre sa pensee.
--Oh! il ne dit pas comme cela, reprit Rose d'un air un peu prude. Je
n'ai jamais pense au mariage, et je ne sais pas encore si mon gre ne
serait pas le sien. Mais enfin, il a beaucoup d'ambition pour moi, et se
tourmente deja de la crainte de ne pas trouver un gendre digne de lui.
Ce qui fait que je ne serai pas mariee de si tot, et j'en suis bien
aise, car je ne desire pas quitter ma famille, malgre les petites
contrarietes que j'y eprouve de la part de maman.
Marcelle crut voir chez Rose un peu de dissimulation, et, ne voulant pas
brusquer sa confiance, elle fit l'observation que Rose avait sans doute
beaucoup d'ambition pour elle-meme.
--Oh! pas du tout! repondit Rose avec abandon. Je me trouve beaucoup
plus riche que je n'ai besoin et souci de l'etre. Mon pere a beau dire
que nous sommes cinq enfants (car j'ai deux soeurs et un frere etablis),
et que, par consequent la part de chacun ne sera deja pas ai grosse,
cela m'est bieu egal. J'ai des gouts simples, et d'ailleurs je vois
bien, par ce qui se passe chez nous, que plus on est riche, plus on est
pauvre.
--Comment cela?
--Chez nous autres cultivateurs, du moins, c'est la verite. Vous, les
nobles, vous vous faites en general honneur de votre fortune; on vous
accuse meme chez nous de la prodiguer, et,
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