r ne vous a-t-il pas amenee ici tout de
suite? Ah! mon Dieu! quelle mauvaise nuit vous avez du passer, Madame!
--Excellente, au contraire, j'ai ete traitee comme une reine, et j'ai
mille obligations a M. Louis et a sa mere.
--Mais ca ne m'etonne pas, dit la mere Bricolin; la Grand'Marie est une
si brave femme, et elle tient sa maison si proprement! C'est mon amie
de jeunesse, a moi; nous avons garde les moutons ensemble, sauf votre
respect; nous etions deux jolies filles dans ce temps-la, a ce qu'on
disait, quoiqu'il n'y paraisse plus, n'est-ce pas, Madame? Nous n'en
savions pas plus long l'une que l'autre: filer, tricoter, faire les
fromages, et voila tout. Nous nous sommes mariees bien differemment;
elle a pris plus pauvre qu'elle, et moi j'ai epouse plus riche que moi.
C'est l'amour qui a fait ces deux mariages-la! ca se voyait dans notre
temps; a present on ne se marie que par interet, et les ecus comptent
plus que les sentiments. Ce n'en est pas mieux, n'est-ce pas, madame de
Blanchemont?
--Je suis tout a fait de votre avis, dit Marcelle.
--Eh! mon Dieu! ma mere, quels contes faites-vous la a Madame? reprit
aigrement madame Bricolin. Croyez-vous que vous l'amusez avec vos
vieilles histoires? Eh! meunier, ajouta-t-elle d'un ton imperatif, allez
donc voir si M. Bricolin est dans la garenne ou a son champ d'avoine
derriere la maison. Vous lui direz de venir saluer madame.
--M. Bricolin, repondit le meunier avec un regard clair et un air de
bravade enjouee, n'est ni a son champ d'avoine, ni a la garenne; je
l'ai apercu en passant qui buvait chopine et pinte avec M. le cure au
presbytere.
--Ah! oui! dit la mere Bricolin, il doit etre au _precipitere_. M. le
cure a grand soif et grand faim apres la grand'messe, et il aime qu'on
lui tienne compagnie. Dismoi, Louis, mon enfant, veux-tu aller le
chercher, toi qui es si complaisant?
--J'y vas tout de suite, dit le meunier qui n'avait pas bouge a
l'injonction de la fermiere.
Et il sortit en courant.
Si vous le trouvez complaisant, celui-la, grommela madame Bricolin en
regardant sa belle-mere avec humeur, vous n'etes pas difficile.
--Oh! maman, il ne faut pas dire cela, dit d'une voix douce la belle
Rose Bricolin. Grand-Louis a bien bon coeur.
--Et qu'est-ce que vous voulez en faire de son bon coeur? riposta la
Bricolin avec une irritation croissante. Qu'est-ce que vous avez donc
pour lui toutes les deux, depuis quelque temps?
--Mais, maman, c'est to
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