z une lettre de moi. Disposez votre vie de
maniere a etre libre de venir me trouver en quelque lieu que je vous
appelle. Si vous ne me jugez pas encore assez convertie, vous me
donnerez encore un an... un an, deux ans, avec l'esperance, c'est
presque le bonheur pour deux etres qui, depuis si longtemps, s'aiment
sans rien esperer."
Elle fit porter ce billet de grand matin. Mais on ne trouva point M.
Lemor. Il etait parti la veille au soir, on ne savait pour quel pays, ni
pour combien de temps. Il avait donne conge de son modeste logement. On
assurait pourtant que la lettre lui parviendrait, parce qu'un de ses
amis etait charge de venir tous les jours retirer sa correspondance pour
la lui faire passer.
Deux jours apres, madame de Blanchemont avec son fils, une femme de
chambre et un domestique, traversait en poste les deserts de la Sologne.
Arrivee a quatre-vingts lieues de Paris, la voyageuse se trouva a peu
pres au centre de la France et coucha dans la ville la plus voisine de
Blanchemont dans cette direction. Blanchemont etait, encore eloigne de
cinq a six lieues, et, dans le centre de la France, malgre toutes les
nouvelles routes ouvertes a la circulation depuis quelques annees, les
campagnes ont encore si peu de communication entre elles, qu'a
une courte distance il est difficile d'obtenir des habitants un
renseignement certain sur l'interieur des terres. Tous savent bien le
chemin de la ville ou du district forain ou leurs affaires les appellent
de temps en temps. Mais demandez dans un hameau le chemin de la ferme
qui est a une lieue de la, c'est tout au plus si on pourra vous le dire.
Il y a tant de chemins!... et tous se ressemblent. Reveilles de grand
matin pour disposer le depart de leur maitresse, les domestiques de
madame de Blanchemont ne purent donc obtenir ni du maitre de l'auberge,
ni de ses serviteurs, ni des voyageurs campagnards qui se trouvaient la
encore a moitie endormis, aucune lumiere sur la terre de Blanchemont.
Personne ne savait precisement ou elle etait situee. L'un venait de
Montlucon, l'autre connaissait Chateau-Meillant; tous avaient cent fois
traverse Ardentes et La Chatre; mais on ne connaissait de Blanchemont
que le nom.
--C'est une terre qui a du rapport, disait l'un, je connais le fermier,
mais je n'y ai jamais ete. C'est tres-loin de chez nous, c'est au moins
a quatre grandes lieues.
--Dame! disait un autre, j'ai vu les boeufs de Blanchemont a la foire
de la Berthenoux, pas
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