g repos. D'ailleurs,
Edouard qui n'etait pas fatigue le moins du monde et que l'air de la
campagne stimulait deja, commencait a gambader sur son lit. Malgre tout
le tapage du dehors, Suzette, couchee dans la meme chambre, dormait si
profondement, que Marcelle se fit conscience de la reveiller. Commencant
donc le genre de vie nouveau qu'elle avait resolu d'embrasser, elle se
leva et s'habilla sans l'aide de sa femme de chambre, fit elle-meme
avec un plaisir extreme la toilette de son fils, et sortit pour aller
souhaiter le bonjour a ses hotes. Elle ne trouva que le garcon de moulin
et la petite servante, qui lui dirent que le maitre et la maitresse
venaient d'aller au bout du pre pour s'occuper du dejeuner. Curieuse de
savoir en quoi consistaient ces preparatifs, Marcelle franchit le pont
rustique qui servait en meme temps de pelle au reservoir du moulin, et
laissant sur sa droite une belle plantation de jeunes peupliers, elle
traversa la prairie en longeant le cours de la riviere, ou plutot du
ruisseau, qui, toujours plein jusqu'aux bords et rasant l'herbe fleurie,
n'a guere en cet endroit plus de dix pieds de large. Ce mince cours
d'eau est pourtant d'une grande force, et aux abords du moulin il forme
un bassin assez considerable, immobile, profond et uni comme une glace,
ou se refletent les vieux saules et les toits moussus de l'habitation.
Marcelle contempla ce site paisible et charmant, qui parlait a son coeur
sans qu'elle sut pourquoi. Elle en avait vu de plus beaux; mais il
est des lieux qui nous disposent a je ne sais quel attendrissement
invincible, et ou il semble que la destinee nous attire pour nous y
faire accepter des joies, des tristesses ou des devoirs.
V.
LE MOULIN.
Quand Marcelle penetra dans les vastes bosquets ou elle comptait trouver
ses hotes, elle crut entrer dans une foret vierge. C'etait une suite de
terrains mines et bouleverses par les eaux, couverts de la plus epaisse
vegetation. On voyait que la petite riviere faisait la de grands
ravages a la saison des pluies. Des aunes, des hetres et des trembles
magnifiques a demi renverses, et laissant a decouvert leurs enormes
racines sur le sable humide, semblables a des serpents et a des hydres
entrelaces, se penchaient les uns sur les autres dans un orgueilleux
desordre. La riviere, divisee en nombreux filets, decoupait, suivant son
caprice, plusieurs enceintes de verdure, ou, sur un gazon couvert de
rosee, s'entre-croisaient des festons de
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