s une bonne position. Je pense que sa femme doit etre pres de lui
maintenant a Angouleme. Borie est toujours en Belgique, bien triste,
comme nous tous. Si vous voulez que je vous parle de moi, je vous dirai
que j'ai beaucoup travaille pour le theatre, cette annee, mais que la
revocation de Bocage me retardera indefiniment. Je ne veux pas separer
mes projets de ceux d'un artiste democrate, brave et genereux, qu'on
ruine brutalement, parce qu'il a commis le crime _d'envoyer des billets
gratis a des ouvriers, d'avoir des employes et des acteurs republicains,
d'etre republicain lui-meme, d'avoir fait jouer_ "la Marseillaise", etc.
Tels sont les considerants de sa revocation. Nous reprendrons quand meme
nos projets de moralisation douce et honnete, pour lesquels le theatre
est un grand moyen d'expansion, et nous viendrons a bout de precher
l'honneur et la bonte, en depit de la censure et des commissions.
J'ai toujours vecu a Nohant de la vie de famille, presque sans relations
avec le dehors, depuis que je ne vous ai vu. Maurice ne me quitte point;
c'est un bon fils, il vous aime et il vous embrasse tendrement.
Et vous, toujours calme, toujours tendre, toujours patient et sublime,
vous pensez a nous quelquefois, n'est-ce pas, et vous nous aimez? C'est
une des consolations et la plus pure gloire de ma vie, ne l'oubliez pas,
que l'amitie que je vous porte et que vous me rendez.
M. Pichon n'est pas seulement originaire du Berry, il est presque natif
de mon village. Sa famille, qui est une famille de paysans, demeure
porte a porte avec nous. Aucante va bien et vous aime.
CCCXIV
A JOSEPH MAZZINI, A LONDRES
Nohant, 25 septembre 1850.
Ecrire aujourd'hui? Non, je ne pourrais pas. Cette situation est
nauseabonde et je ne saurais trouver un mot d'encouragement a donner aux
hommes de mon temps. Je ne suis plus malade, cependant; ma situation
personnelle n'est point douloureuse et j'ai l'esprit calme, le coeur
satisfait des affections qui m'entourent. Mais l'esperance ne m'est pas
revenue et je ne suis pas de ceux qui peuvent chanter ce qui ne chante
pas dans leur ame. L'humanite de mon temps m'apparait comme une armee en
pleine deroute, et j'ai la conviction qu'en conseillant aux fuyards de
s'arreter, de se retourner et de disputer encore un pouce de terrain, on
ne fera que grossir de quelques crimes et de quelques meurtres l'horreur
du desastre. Les bourreaux eux-memes sont ivres, egar
|