es, sourds, idiots.
Ils vont a leur perte aussi; mais plus on leur criera d'arreter, plus
ils frapperont, et, quant aux laches qui plient, ils laisseront egorger
leurs chefs, ils verront tomber les plus nobles victimes sans dire un
mot. J'ai beau faire, voila ou j'en suis. Je me croyais malade et je me
reprochais mes defaillances; mais je ne peux plus me faire un reproche
de souffrira si bon escient. Je me trompe, peut-etre; Dieu le veuille!
Ce n'est pas a vous, martyr stoique, que je veux, que je peux ou dois
remontrer obstinement que j'ai raison. Mais, tout en respectant en vous
cette vertu de l'esperance, je ne puis la faire eclore en moi a volonte.
Rien ne me ranime, je ne sens en moi que douleur et indignation.
Savez-vous la seule chose dont je serais capable? Ce serait une
malediction ardente sur cette race humaine si egoiste, si lache et si
perverse. Je voudrais pouvoir dire au peuple des nations: "C'est toi qui
es le grand criminel; c'est toi, imbecile, vantard et poltron, qui te
laisses avilir et fouler aux pieds; c'est toi qui repondras devant Dieu
des crimes de la tyrannie; car tu pouvais les empecher et tu ne l'as
pas voulu, et tu ne le veux pas encore. Je t'ai cru grand, genereux et
brave. Tu l'es en effet, sous la pression de certains evenements et
quand Dieu fait en toi des miracles. Mais, quand Dieu te fait sentir sa
clemence, quand tu retrouves une heure de calme ou d'esperance, tu vends
ta conscience et ta dignite pour un peu de plaisir et de bien-etre, pour
du repos, du vin et des illusions grossieres. Avec des promesses de
bien-etre, de diminution d'impots, on te mene ou l'on veut. Avec
des excitations a la souffrance, a l'heroisme et au devouement,
qu'obtient-on de toi? Quelques holocaustes isoles que ta masse contemple
froidement!"
Oui, je voudrais reveiller le peuple de sa torpeur et de sa honte,
l'indigner sur lui-meme, le faire rougir de son abaissement, et je
retrouverais peut-etre encore des lueurs d'eloquence que l'idee de sa
colere inintelligente, la presque certitude d'etre massacree par lui
le lendemain, ferait eclore plus ardentes et plus fecondes. Ce qui me
retient, c'est un reste de compassion. Je ne sais pas dire a l'enfant
qui se noie: "C'est ta faute!" Je pense aux souffrances et aux miseres
de ce peuple coupable et si cruellement puni.
Je n'ai plus la force de lui jeter a la face l'anatheme qu'il merite.
Alors je m'arrete, je me retourne vers la fiction et je fais, dans
l'art, d
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