vous connaitre, et
moi, a la tete de ma troupe d'enfants, je vous serre les mains, de tout
mon coeur.
Nous rejouons demain _Nello_ avec le troisieme acte tout refait. C'est
le vieux Frantz qui fait votre role.
[1] Joue au theatre de l'Odeon, sous le titre de _Maitre Faville._
CCCXVIII
M. ARMAND BARBES, A BELLE-ISLE-EN-MER
Nohant, 28 novembre 1850.
De quoi donc vous alarmez-vous ainsi, mon ami? Vraiment; vous etes le
seul en France, a croire qu'un soupcon sur votre compte soit possible.
Tout le monde voit ici la verite; elle est trop grossiere de la part
du pouvoir pour imposer meme aux esprits les plus bornes. C'est une
exception _en votre faveur_, c'est-a-dire une aggravation de peine. Ce
pouvoir, eut-il eu l'infame pensee de vouloir vous exposer aux mefiances
de vos freres, n'a ici qu'une deception dont la honte retombe sur lui.
J'avoue que je rougirais pour vous d'avoir a vous defendre contre de si
fantastiques apparences. Non, non, il est des hommes places trop haut
pour qu'un plaidoyer en leur faveur ne soit pas une sorte d'outrage
gratuit, La France entiere me repondrait dans son coeur: "De quoi vous
melez-vous?" Vos ennemis eux-memes souriraient des perplexites de votre
grande ame et de mon indiscrete sollicitude pour une reputation que nul
ne peut atteindre, et que, dans l'avenir comme dans le present, le monde
entier honore ou subit. Les mechants la subissent avec rage, ils s'en
vengent en vos qualifiant de jacobin. Eh bien, ceci ne vous fache pas,
puisque vous savez ce que cela signifie dans leur appreciation. Quant
a la trahison, je vous assure qu'ils n'ont pas meme espere le faire
croire. Ils ont voulu vous separer des autres victimes pour oter
peut-etre au reste de l'hecatombe le prestige qui s'attachait a votre
nom.
Calmez-vous, mon frere; vous etes trop modeste, trop humble de croire
a une atteinte possible portee a votre caractere. S'il existe dans les
murs de Belle-Isle, s'il a existe dans ceux de Doullens des esprits
assez malades, des coeurs assez aigris pour vous accuser (et cela meme,
j'en doute), soyez certain que ces hallucinations de la souffrance et
de la colere n'ont pas depasse le mur des cachots ou elles sont trop
expiees. Mais vous, homme fort, ne vous laissez pas amoindrir, dans le
sanctuaire de votre raison superieure, par des illusions du meme genre.
Ne croyez pas que la plainte amere et folle qui pourrait sortir contre
vous de ces
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