es types populaires tels que je ne les vois plus, mais tels
qu'ils devraient et pourraient etre. Dans l'art, cette substitution du
reve a la realite est encore possible. Dans la politique, toute poesie
est un mensonge auquel la conscience se refuse. Mais l'art ne se fait
pas a volonte non plus, c'est fugitif, et la conscience d'un devoir a
remplir ne force pas l'inspiration a descendre. La forme du theatre,
etant nouvelle pour moi, m'a un peu ranimee dernierement, et c'est la
seule etude a laquelle j'aie pu me livrer depuis un an.
Ce sera peut-etre inutile. La censure, qui laisse un libre cours aux
obscenites revoltantes du theatre, ne permettra peut-etre pas qu'on
preche l'honnetete avec quelque talent, aux hommes, aux femmes et aux
enfants du peuple. J'ai refuse d'etre jouee au Theatre-Francais; je
veux aller au boulevard avec Bocage. On ne nous y laissera pas aller
probablement: plus on aura la certitude que nous y voulons porter une
predication evangelique sous des formes douces et chastes, plus on
nous en empechera. Mais, si nous voulions y porter le scandale de
la gaudriole, les couplets obscenes du vaudeville, les gentillesses
divertissantes du bon temps, de la Regence, nous aurions le champ libre
comme les autres.
Me retournerai-je vers la contemplation des faits? me rejouirai-je
de l'amelioration des moeurs? me dirai-je qu'il est indifferent d'y
contribuer ou non, pourvu que le bien se fasse et que le vrai bonheur
sourie autour de soi? C'est en vain que je chercherais cette consolation
dans le milieu ou je vis. Le peuple des provinces est affreusement
egoiste. Le paysan est ignorant; mais l'artisan qui comprend, qui lit
et qui parle est dix fois plus corrompu a l'heure qu'il est Cette
revolution avortee, ces intrigues de la bourgeoisie, ces exemples
d'immoralite donnes par le pouvoir, cette impunite assuree a toutes les
apostasies, a toutes les trahisons, a toutes les iniquites, c'est la, en
fin de compte, l'ouvrage du peuple, qui l'a souffert et qui le souffre.
Une partie de nos ouvriers tremble devant le manque d'ouvrage et se
borne a hurler tout bas des menaces fanfaronnes. Une autre partie
s'hebete dans le vin. Une autre encore reve et prepare de farouches
represailles, sans aucune idee de reconstruction apres avoir fait table
rase. Les systemes, dites-vous? Les systemes n'ont guere penetre dans
les provinces. Ils n'y ont fait ni bien ni mal, on ne s'en inquiete
point, et il vaudrait mieux qu'on les disc
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