utat et que chacun forgeat
son reve. Nous ne sommes pas si avances! Payera-t-on l'impot, ou ne le
payera-t-on pas? Voila toute la question. On ne se tourmente meme pas
des encouragements dont l'agriculture, sous peine de perir, ne peut plus
se passer.
On ne sait ce que signifient les promesses de credit faites par la
democratie. On n'y croit point. Toute espece de gouvernement est tombee
dans le mepris public, et le proletaire qui dit sa pensee la resume
ainsi: _Un tas de blagueurs, les uns comme les autres; il faudra tout
faucher_!
Sans doute il y a des groupes qui croient et comprennent encore; mais la
vertu n'est point avec eux beaucoup plus qu'avec les autres. L'esprit
d'association est inconnu. La presse est morte en province, et le peuple
n'a pas compris qu'avec des sous on faisait des millions.
L'article du second numero du _Proscrit_ sur l'organisation de la
presse democratique est rigoureusement vrai pour signaler le mal, et
parfaitement inutile pour y porter remede. Il est facile de demontrer ce
qu'on peut faire; il est impossible de faire eclore du devouement la
ou il n'y en a pas; notre _Travailleur_[1] est ruine. Notre ami le
redacteur est en prison. Sa femme et ses enfants sont dans la misere.
Nous sommes trois ou quatre qui nous cotisons pour tout le desastre. Les
bourgeois du parti sont sourds, le peuple du parti, plus sourd encore.
Le banquet donne a Ledru-Rollin il y a deux ans, et qui paraissait si
beau, si spontane, si populaire, qui l'a paye? Nous. Et c'est toujours
ainsi. Il importe peu quant a l'argent; mais le devouement, ou est-il?
Une masse va a un banquet comme a une fete qui ne coute rien. On
s'amuse, on crie, on se passionne, on en parle huit jours, et puis on
retombe, et c'est a qui dira qu'il y a ete entraine, et qu'il ne savait
pas de quoi il s'agissait.
Regarderai-je ailleurs? Je verrai des provinces un peu plus braves
sans resultat meilleur. Est-ce a la _Montagne_ que nous chercherons le
produit de toutes les opinions socialistes? Est-ce a Paris, dans les
faubourgs decimes par la guerre civile, et tremblants devant une armee
qu'on sait bien n'etre pas ce qu'on croyait? Non, nulle part, j'en suis
malheureusement sure! Il y a un temps d'arret. Le sentiment divin,
l'instinct superieur ne peut perir; mais il ne fonctionne plus. Rien
n'empechera l'invasion de la reaction. Nous ne devons qu'aux divisions
de ces messieurs et a leurs intrigues, qui se combattent, d'avoir encore
le mot
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