ingenieux en appreciations contradictoires, toujours
riche en paroles et pauvre d'idees et de principes; il s'enterre sous
ses phrases et ensevelit sa gloire, son honneur peut-etre, sous la
facilite prostituee de son eloquence.
Ce que je vous dis la n'est-il pas votre sentiment, lorsque vous me
dites qu'ecrire pour le present est chose tout a fait inutile? Mais vous
pensez qu'il faut toujours ecrire pour l'avenir. C'est bien ce qu'il
vous faudra faire dans vos jours de repos, quoi que vous en disiez. Vous
avez des faits a raconter, votre vie appartient a l'histoire, et rien ne
vaut la parole de l'historien qui a _fait_ l'histoire avant de l'ecrire.
Vos actes et vos proclamations sont la, je le sais; mais votre sentiment
intime, vos esperances, vos douleurs, vos abattements meme instruiront
encore plus la posterite. La defaillance de Jesus sous les oliviers, les
larmes de Jeanne Darc marchant au supplice sont l'attendrissement et
l'enthousiasme eternels des ames aimantes. Il y a en nous un foyer
intime que nous devons laisser voir quand il est pur. Vous ecrirez donc
votre vie, je l'espere. Ce sera, d'ailleurs, le martyrologe des plus
grands coeurs de l'Italie moderne, et nul comme vous ne tressera cette
couronne qui leur est due.
Vos amies esperent vous revoir en Angleterre dans quelques mois. Quand
nous reverrons-nous en France?
Adieu, cher ami; ecrivez-moi si vous avez le temps. Sinon, ne vous
fatiguez pas. Je sais que votre coeur ne s'endort point; je tiens
seulement, s'il vous est possible, a savoir que vous vivez, sans trop
souffrir, et que vous savez bien que je vous aime, tendrement et
eternellement.
J'ai recu le volume dont vous me parlez: c'est un precieux et magnifique
document historique.
CCCXII
A M. ALEXANDRE DUMAS FILS, A PARIS
Nohant, 14 aout 1850.
Je ne vous ai pas remercie en personne, monsieur, et vous me chagrinerez
beaucoup si vous m'otez le plaisir de le faire de vive voix a Nohant,
c'est-a-dire a la campagne, ou l'on se parle mieux en un jour qu'a Paris
en un an. Je ne suis plus sure d'y aller avant la fin du mois. J'ai ete
malade, retardee, par consequent dans mon lit.
Si vous pouviez venir d'ici au 25, j'en serais bien contente et
reconnaissante. Si vous ne le pouvez pas, ayez l'obligeance de faire
porter le paquet bien cachete, chez M. Falampin (pardon pour le nom,
ce n'est pas moi qui l'ai donne au bapteme a ce brave homme), rue
Louis-le
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