aucoup d'aigreur, lui fit de grands reproches de l'avoir engage
mal a propos dans cette guerre, sans lui tenir les paroles qu'il
lui avait donnees. Ou sont, lui demanda-t-il en colere, le comte de
Toulouse, le roi d'Aragon, les rois de Castille et de Navarre, et toutes
ces nombreuses troupes qui devaient accabler le roi de France?
Le comte en rejeta toute la faute sur la comtesse reine, sa femme. C'est
votre mere, lui repondit-il, dont la rage contre la France, l'ambition
insatiable, et le zele aveugle qu'elle a pour votre agrandissement, ont
lie toute cette partie, et lui ont fait regarder comme immanquables des
desseins chimeriques. J'y perds, et elle aussi, plus que vous.
Cependant le roi, pendant la nuit, fit passer le pont de Taillebourg a
toute son armee, et etablit son camp au meme lieu ou le roi d'Angleterre
avait eu le sien le jour precedent. Des le matin il envoya faire un
grand fourrage jusque sous les murailles de Saintes, et l'on en ravagea
tous les environs.
Le comte de la Marche esperant avoir sa revanche, fit, sans consulter le
roi d'Angleterre, une grande sortie sur les fourrageurs qui s'etaient
debandes, et les chargea vigoureusement, suivi de ses trois fils et d'un
corps considerable de Gascons et d'Anglais, outres de leurs defaite du
jour precedent, et de cette nouvelle hardiesse des Francais. Ceux-ci se
defendirent avec la meme vigueur qu'ils etaient attaques, et quoiqu'en
nombre beaucoup inferieur, ils firent ferme et se battirent en retraite,
mais avec grande perte.
Trois cents hommes de la commune de Tournai furent tailles en pieces,
et le reste etait dans un danger evident d'etre enveloppe; car le roi
d'Angleterre, dissimulant sagement son ressentiment, envoyait sans cesse
de nouvelles troupes au comte de la Marche, et sortit meme pour le
soutenir. L'officier qui commandait le fourrage des Francais, se voyant
en cette extremite, envoya promptement demander du secours au camp. Le
comte de Boulogne, dont le quartier etait le plus avance, ayant recu cet
avis, courut aussitot le porter au roi, et fit en meme temps prendre les
armes a toutes les troupes. Chacun se rangea sous ses drapeaux, et le
roi fit avancer a grands pas les escadrons et les bataillons qui se
trouverent le plus tot en etat de marcher. Ces premieres troupes
arreterent la furie de l'ennemi. Le comte de Boulogne tua de sa main le
chatelain de Saintes, qui portait la banniere du comte de la Marche,
et insensiblement les deux ar
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