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chaque instant a traverser a mi-jambe dans l'eau, qui n'est pas trop
chaude en cette saison", dit M. Beaudoin. En effet, on etait au 10
fevrier. Mais a Carbonniere, les gens se dedommagerent de leurs fatigues
en faisant venir de la viande fraiche du Havre-de-Grace, ou, comme nous
l'avons dit, il y avait des bestiaux en grande quantite. M. d'Iberville,
pour terminer la conquete de toute l'ile, songea des lors a se rendre a
Bonavista, qui est a 100 lieues au nord de Carbonniere, mais auparavant
il voulut traiter d'echange avec les Anglais de l'ile de Carbonniere.
Ceux-ci repondirent en demandant un Anglais pour un Francais et trois
Anglais pour un Irlandais. Ils etaient irrites contre les Irlandais,
qu'ils regardaient comme leurs sujets et qu'ils avaient trouves dans les
rangs de leurs adversaires. Mais cette demande n'eut pas de suite parce
qu'elle fut eludee par les Francais.
Sur ces entrefaites, vers le 14 fevrier, on vit revenir les quatre
Canadiens que M. de Brouillan avait emmenes avec lui, a la fin de
decembre, pour le conduire par terre de Saint-Jean a Plaisance. Ces
braves gens revenaient partager les dangers et les fatigues de leurs
compagnons d'armes. "Ils nous apprirent, dit M.. Beaudoin, que M. de
Brouillan, arrive a Bayeboulle, a 15 lieues de Saint-Jean, se trouva
tellement accable de fatigue et decourage, qu'il se refusa absolument
a continuer par terre, ou il n'avait que 25 lieues a faire, et qu'il
prefera s'embarquer a Bayeboulle, ce qui faisait une difference de plus
de 100 lieues a parcourir par mer."
"M. d'Iberville eut bientot occasion de prendre ce chemin de terre,
qui paraissait impraticable a M. de Brouillan et a messieurs les
Plaisantins, ajoute M. Beaudoin. Il est vrai qu'il n'est pas aussi beau
que celui de Paris a Versailles, mais on peut le faire en quatre jours
en marchant d'un bon pas." M. d'Iberville voulait, avant de continuer
son expedition, revenir a Plaisance pour avoir des nouvelles de France,
d'ou il attendait l'escadre qui lui avait ete promise pour se rendre a
la baie d'Hudson. Enfin, "il avait peut-etre a prendre des munitions, et
moi des hosties," nous dit M. Beaudoin, qui l'accompagna dans ce trajet
de quelques jours.
Cette expedition avait fait connaitre aux Francais toutes les ressources
de ce pays; ils avaient appris, par la pratique des Anglais, qui etaient
de grands chasseurs, la distance qui les separait des possessions
francaises et les voies praticables qui y
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