disait, dans ses lettres, qu'on allait susciter l'agression des
Espagnols. Suivant lui, ils pouvaient mettre 100,000 hommes sur pied
et soulever les sauvages, qui etaient au nombre de plusieurs millions,
disait-il. "Je crois, ajoutait-il, que M. d'Iberville est un tres
honnete homme, et bien intentionne, mais il faut se defier de son esprit
d'entreprise."
De plus, des officiers superieurs de la marine, prevenus contre les
succes d'un officier canadien, repandaient le bruit "qu'il ne reussirait
pas mieux que La Salle; que son expedition avait ete mal menee parce
qu'il avait fait trop de retards; qu'il n'avait pas su menager ses
provisions, etc., etc.; enfin qu'il fallait apprehender que les 80
hommes places a Biloxi ne fussent exposes au meme sort que les gens de
La Salle."
M. de Pontchartrain, voulant etre a meme d'eclairer le roi sur
ces objections, demanda a M. d'Iberville de faire un memoire sur
l'importance de son etablissement.
M. d'Iberville repondit aussitot par un factum d'une dizaine de pages.
Il avait deja expose les avantages que le Canada retirerait de cette
entreprise, qui donnerait les moyens de communiquer avec toute
l'Amerique centrale par le Mississipi, ou les Canadiens avaient deja des
stations importantes. Il montrait ensuite la possibilite de se saisir du
Mexique, ou se trouvaient des tresors; enfin il affirmait la necessite
d'arreter l'extension continuelle des Anglais, "deja trop puissants".
Ensuite M. d'Iberville enumerait les sites occupes par les Espagnols
sur le golfe du Mexique, et leur peu de valeur, puis il signalait les
conditions favorables pour le commerce des pelleteries et des autres
produits.
Il finissait en affirmant que dans ces regions presque tropicales on
pouvait recolter les productions des Antilles.
M. de Pontchartrain repondit en recommandant a M. Duguay, l'intendant
de la marine a Rochefort, d'activer l'armement des navires destines a
l'expedition.
Il envoyait en meme temps la liste des officiers nommes par le roi sur
la _Renommee_, batiment de 50 canons: M. d'Iberville, commandant; M. de
Ricouard, lieutenant; le sieur Duguay, enseigne; le sieur Desjordy, le
sieur de Hautemaison et le sieur de Saint-Hermine, gardes de marine.
Dans l'equipage il devait y avoir 50 Canadiens reunis a Rochefort.
M. d'Iberville emmenait avec lui un de ses cousins, M. Lesueur,
militaire plein d'experience, et son frere de Chateauguay, age de 14
ans. C'etait lui qui etait destine de
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