ncore deux heures a Paris, et qu'il
le rejoindrait a sa maison de campagne dans la soiree.
Laurent n'avait pourtant aucune affaire. Il s'etait habille avec une hate
fievreuse. Il s'etait fait coiffer avec un soin particulier. Et puis il
avait jete son habit sur un fauteuil, et il avait passe ses mains dans les
boucles trop symetriques de ses cheveux, sans songer pourtant a l'air
qu'il pouvait avoir. Il se promenait dans son atelier tantot vite, tantot
lentement. Quand le prince D... fut parti en lui faisant dix fois
promettre de se hater de partir lui-meme, il courut sur l'escalier pour le
prier de l'attendre et lui dire qu'il renoncait a toute affaire pour le
suivre; mais il ne le rappela point et passa dans sa chambre, ou il se
jeta sur son lit.
--Pourquoi me ferme-t-elle sa porte pour deux jours? Il y a quelque chose
la-dessous! Et, quand elle me donne rendez-vous pour le troisieme jour,
c'est afin de me faire rencontrer chez elle un Anglais ou un Americain que
je ne connais pas! Mais elle connait, certainement, elle, ce Palmer,
qu'elle appelle par son petit nom! D'ou vient alors qu'il m'a demande son
adresse? Est-ce une feinte? Pourquoi feindrait-elle avec moi? Je ne suis
pas l'amant de Therese, je n'ai aucun droit sur elle! L'amant de Therese!
je ne le serai certainement jamais. Dieu m'en preserve! une femme qui a
cinq ans de plus que moi, peut-etre davantage! Qui sait l'age d'une femme,
et de celle-la precisement, dont personne ne sait rien? Un passe si
mysterieux doit couvrir quelque enorme sottise, peut-etre une honte bien
conditionnee. Et avec cela, elle est prude, ou devote, ou philosophe, qui
peut savoir? Elle parle de tout avec une impartialite, ou une tolerance,
ou un detachement... Sait-on ce qu'elle croit, ce qu'elle ne croit pas, ce
qu'elle veut, ce qu'elle aime, et si seulement elle est capable d'aimer?
Mercourt, un jeune critique, ami de Laurent, entra chez lui.
--Je sais, lui dit-il, que vous partez pour Montmorency. Aussi je ne fais
qu'entrer et sortir pour vous demander une adresse, celle de mademoiselle
Jacques.
Laurent tressaillit.
--Et que diable voulez-vous a mademoiselle Jacques? repondit-il en faisant
semblant de chercher du papier pour rouler une cigarette.
--Moi? Rien... c'est-a-dire si! Je voudrais bien la connaitre; mais je ne
la connais que de vue et de reputation. C'est pour une personne qui veut
se faire peindre que je demande son adresse.
--Vous la connaissez de vue, ma
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