endant qu'elle chantait la-bas sur le tertre qui est
vis-a-vis de nous.
Therese ne repondit rien. Il s'apercut que ce souvenir intempestif d'une
de ses mauvaises connaissances n'etait pas delicat a jeter au milieu d'une
romantique veillee avec la reine de son coeur. Pourquoi cela lui etait-il
revenu? comment le nom quelconque de la vierge folle lui etait-il arrive
au bord des levres? Il fut mortifie de cette maladresse; mais, au lieu de
s'en accuser naivement et de la faire oublier par des torrents de tendres
paroles qu'il savait bien tirer de son ame quand la passion l'inspirait,
il n'en voulut pas avoir le dementi, et demanda a Therese si elle voulait
chanter pour lui.
--Je ne pourrais pas, lui repondit-elle avec douceur. Il y a longtemps que
je n'etais montee a cheval, je me sens un peu oppressee.
--Si ce n'est qu'un peu, faites un effort, Therese, cela me fera tant de
plaisir!
Therese etait trop fiere pour avoir du depit, elle n'avait que du chagrin.
Elle detourna la tete et feignit de tousser.
--Allons, dit-il en riant, vous n'etes qu'une faible femme! Et puis vous
ne croyez pas a mon echo, je vois cela. Je veux vous le faire entendre.
Restez ici. Je grimpe la-haut, moi. Vous n'avez pas peur, j'espere, de
rester seule cinq minutes?
--Non, repondit tristement Therese, je n'ai pas du tout peur.
Pour grimper sur l'autre rocher, il fallait descendre le petit ravin qui
le separait de celui ou ils etaient; mais ce ravin etait plus creux qu'il
ne le paraissait. Quand Laurent, apres en avoir descendu la moitie, vit le
chemin qui lui restait a faire, il s'arreta, craignant de laisser Therese
seule si longtemps, et, criant vers elle, il lui demanda si elle ne
l'avait pas rappele.
--Non, pas du tout! lui cria-t-elle a son tour, ne voulant pas contrarier
sa fantaisie.
Il est impossible d'expliquer ce qui se passa dans la tete de Laurent; il
prit ce _pas du tout_ pour une durete, et se remit a descendre, mais moins
vite et en revant.
--Je l'ai blessee, dit-il, et la voila qui me boude, comme du temps ou
nous jouions au frere et a la soeur. Est-ce qu'elle va encore avoir de ces
humeurs-la, a present qu'elle est ma maitresse? Mais pourquoi l'ai-je
blessee? J'ai eu tort assurement, mais c'est sans le vouloir. Il est bien
impossible qu'il ne me revienne pas quelque bribe de mon passe dans la
memoire. Sera-ce donc chaque fois un outrage pour elle et une
mortification pour moi? Que lui importe mon passe, puisqu'
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