vee, ou s'il avait mele ensemble,
dans son cerveau, une allegorie nee de ses reflexions ameres et une image
entrevue dans un demi-sommeil. Il jura cependant a Therese qu'il ne
s'etait pas endormi sur l'herbe, et qu'il s'etait toujours rendu compte du
lieu ou il etait et du temps qui s'ecoulait; mais cela meme etait
difficile a constater. Therese l'avait perdu de vue, et, quant a elle, le
temps lui avait semble mortellement long.
Elle lui demanda s'il etait sujet a ces hallucinations.
--Oui, dit-il, dans l'ivresse; mais je n'ai ete ivre que d'amour depuis
quinze jours que tu es a moi.
--Quinze jours! dit Therese etonnee.
--Non, moins que cela, reprit-il; ne me chicane pas sur les dates: tu vois
bien que je n'ai pas encore ma tete. Marchons, cela me remettra tout a
fait.
--Tu as besoin de repos pourtant: il faudrait penser a rentrer.
--Eh bien, que faisons-nous?
--Nous ne sommes pas dans la direction; nous tournons le dos a notre point
de depart.
--Tu veux que je repasse par ce maudit rocher?
--Non, mais prenons a droite.
--C'est tout le contraire.
Therese insista, elle ne se trompait pas. Laurent n'en voulut pas demordre,
et meme il s'emporta et parla d'un ton irrite, comme s'il y eut eu la
matiere a dispute. Therese ceda et le suivit ou il voulut aller. Elle se
sentait brisee d'emotion et de tristesse. Laurent venait de lui parler
d'un ton qu'elle n'eut jamais voulu prendre avec Catherine, meme quand la
bonne vieille l'impatientait. Elle le lui pardonnait, parce qu'elle le
sentait malade; mais cet etat d'excitation douloureuse ou elle le voyait
l'effrayait d'autant plus.
Grace a l'obstination de Laurent, ils se perdirent dans la foret,
marcherent pendant quatre heures, et ne rentrerent qu'au point du jour. La
marche dans le sable fin et lourd de la foret est tres-penible. Therese ne
pouvait plus se trainer, et Laurent, que ce violent exercice ranimait, ne
songeait point a ralentir le pas par egard pour elle. Il allait devant,
pretendant toujours decouvrir la bonne voie, lui demandant de temps a
autre si elle etait lasse, et ne devinant pas qu'en repondant: "Non," elle
voulait lui oter le regret d'etre cause de cette mesaventure.
Le lendemain, Laurent n'y songeait plus; il avait ete pourtant rudement
secoue par cette crise etrange; mais c'est le propre des temperaments
nerveux a l'exces de se remettre comme par magie. Therese eut meme
l'occasion de remarquer qu'au lendemain de ces epreuves te
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