noterent comme un fait anomal, Laurent se calma subitement, et
resta inerte, brise, continuellement assoupi, mais sauve.
Il etait si faible, qu'il fallait le nourrir sans qu'il en eut conscience,
et le nourrir a doses si minimes pour que son estomac n'eut pas le moindre
travail de digestion a faire, que Therese jugea ne devoir pas le quitter
un instant. Palmer essaya de lui faire prendre du repos en lui donnant sa
parole d'honneur de la remplacer aupres du malade; mais elle refusa,
sentant bien que les forces humaines n'etaient pas a l'abri de la surprise
du sommeil, et que, puisqu'un miracle se faisait en elle pour l'avertir de
chaque minute ou elle devait porter la cuiller aux levres du malade, sans
que jamais elle fut vaincue par la fatigue, c'etait elle, non pas un autre,
que Dieu avait chargee de sauver cette existence fragile.
C'etait elle en effet, et elle la sauva.
Si la medecine, quelque eclairee qu'elle soit, est insuffisante dans des
cas desesperes, c'est bien souvent parce que le traitement est presque
impossible a observer d'une maniere absolue. On ne sait pas assez ce
qu'une minute de besoin ou une minute de plenitude peut apporter de
perturbation dans une vie chancelante; et le miracle qui manque au salut
du moribond, c'est souvent le calme, la tenacite et la ponctualite chez
ceux qui le soignent.
Enfin, un matin, Laurent s'eveilla comme d'une lethargie, parut surpris de
voir Therese a sa droite et Palmer a sa gauche, leur tendit une main a
chacun, et leur demanda ou il etait et d'ou il venait.
On le trompa longtemps sur la duree et l'intensite de son mal, car il
s'affecta beaucoup en se voyant si maigre et si faible. La premiere fois
qu'il se regarda dans une glace, il se fit peur. Dans les premiers jours
de sa convalescence, il demanda Therese. On lui repondit qu'elle dormait.
Il en fut tres-surpris.
--Elle est donc devenue Italienne, dit-il, qu'elle dort dans le jour?
Therese dormit vingt-quatre heures de suite. La nature reprit ses droits
des que l'inquietude fut dissipee.
Peu a peu Laurent apprit a quel point elle s'etait devouee a lui, et il
vit sur sa figure les traces de tant de fatigues succedant a tant de
douleurs. Comme il etait encore trop faible pour s'occuper, Therese
s'installa pres de lui, tantot lui faisant la lecture, tantot jouant aux
cartes pour l'amuser, tantot le menant promener en voiture. Palmer etait
toujours avec eux.
Les forces revenaient a Laurent avec une rap
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