e en lui prenant les mains pour l'empecher de se les
dechirer avec ses ongles; trompe! de quel mot vous servez-vous la? Est-ce
que je vous appartiens? est-ce que, depuis la premiere nuit que vous avez
passee dehors a Genes, apres m'avoir dit que j'etais votre supplice et
votre bourreau, nous n'avons pas ete etrangers l'un a l'autre? est-ce
qu'il n'y a pas de cela quatre mois et plus? et croyez-vous que ce temps,
passe sans retour de votre part, n'ait pas suffi a me rendre maitresse de
moi-meme?
Et, comme elle vit que Laurent, au lieu de s'exasperer de sa franchise, se
calmait et l'ecoutait avec une curiosite avide, elle continua:
--Si vous ne comprenez pas le sentiment qui m'a ramenee a votre lit
d'agonie et qui m'a retenue jusqu'a ce jour aupres de vous pour achever
votre guerison par des soins maternels, c'est que vous n'avez jamais rien
compris a mon coeur. Ce coeur-la, Laurent, dit-elle en frappant sa
poitrine, n'est ni si fier ni si ardent peut-etre que le votre; mais, vous
l'avez dit vous-meme souvent autrefois, il reste toujours a la meme place.
Ce qu'il a aime, il ne peut pas cesser de l'aimer; mais, ne vous y trompez
pas, ce n'est pas de l'amour comme vous l'entendez, comme vous m'en avez
inspire, et comme vous avez la folie d'en attendre encore. Ni mes sens ni
ma tete ne vous appartiennent plus. J'ai repris ma personne et ma volonte;
ma confiance et mon enthousiasme ne peuvent plus vous revenir. J'en peux
disposer pour qui les merite, pour Palmer si bon me semble, et vous
n'auriez pas une objection a faire, vous qui avez ete le trouver un matin
pour lui dire:
"--Consolez donc Therese, vous me rendrez service!"
--C'est vrai... c'est vrai! dit Laurent en joignant ses mains tremblantes,
j'ai dit cela! Je l'avais oublie, je me le rappelle a present!
--Ne l'oublie donc plus, dit Therese, qui se remit a lui parler avec
douceur en le voyant apaise, et sache, mon pauvre enfant, que l'amour est
une fleur trop delicate pour se relever quand on l'a foulee aux pieds. N'y
songe plus avec moi, cherche-le ailleurs, si cette triste experience que
tu en as faite t'ouvre les yeux et modifie ton caractere. Tu le trouveras
le jour ou tu en seras digne. Quant a moi, je ne pourrais plus supporter
tes caresses, j'en serais avilie; mais ma tendresse de soeur et de mere te
restera malgre toi et malgre tout. Ceci est autre chose, c'est de la pitie,
je ne te le cache pas, et je te le dis precisement pour que tu ne songes
plus a
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