rribles, c'est
elle qui se trouvait brisee, tandis qu'il semblait avoir pris une force
nouvelle.
Elle n'avait pas dormi, s'attendant a le voir envahi par quelque grave
maladie; mais il prit un bain et se sentit tres-dispos pour recommencer la
promenade. Il paraissait avoir oublie combien cette veillee avait ete
facheuse pour la lune de miel. La triste impression s'effaca vite chez
Therese. Revenue a Paris, elle crut que rien n'etait change entre eux;
mais, le soir meme, Laurent eut le caprice de faire la charge de Therese
avec la sienne, errant tous deux au clair de lune dans la foret, lui avec
son air effare et distrait, elle avec sa robe dechiree et le corps brise
de fatigue. Les artistes sont tellement habitues a faire la charge les uns
des autres, que Therese s'amusa de la sienne; mais, bien qu'elle eut aussi
de la facilite et de l'esprit au bout de son crayon, elle n'eut voulu pour
rien au monde faire celle de Laurent, et, quand elle le vit esquisser dans
un sens comique cette scene nocturne qui l'avait torturee, elle en eut du
chagrin. Il lui semblait que certaines douleurs de l'ame ne peuvent jamais
avoir de cote risible.
Laurent, au lieu de comprendre, tourna la chose avec plus d'ironie encore.
Il ecrivit sous sa figure: _Perdu dans la foret et dans l'esprit de sa
maitresse_, et sous la figure de Therese: _Le coeur aussi dechire que la
robe_. La composition fut intitulee: _Lune de miel dans un cimetiere_.
Therese s'efforca de sourire; elle loua le dessin, qui, malgre sa
bouffonnerie, sentait la main du maitre, et ne fit aucune reflexion sur le
triste choix du sujet. Elle eut tort, elle eut mieux fait, des le
commencement, d'exiger que Laurent ne laissat pas courir sa gaiete au
hasard, en grosses bottes. Elle se laissa marcher sur les pieds parce
qu'elle eut peur qu'il ne fut encore malade et pris de delire au milieu de
sa lugubre plaisanterie.
Deux ou trois autres faits de ce genre l'ayant avertie, elle se demanda si
la vie douce et reglee qu'elle voulait donner a son ami etait reellement
l'hygiene qui convenait a cette organisation exceptionnelle. Elle lui
avait dit:
--Tu t'ennuieras quelquefois peut-etre; mais l'ennui repose du vertige, et,
quand la sante morale sera bien revenue, tu t'amuseras de peu et tu
connaitras la veritable gaiete.
Les choses tournaient en sens contraire. Laurent n'avouait pas son ennui,
mais il lui etait impossible de le supporter, et il l'exhalait en caprices
amers et biza
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