veraine, par moments, du bien, du bon et du
vrai.
C'etait un ange, sinon dechu comme tant d'autres, du moins fourvoye et
malade. Le besoin d'aimer lui devorait le coeur, et cent fois par jour il
se demandait avec effroi s'il n'avait pas deja trop abuse de la vie, et
s'il lui restait la force d'etre heureux.
Il s'eveilla calme et triste. Il regrettait deja sa chimere, son beau
sphinx, qui lisait en lui avec une attention complaisante, qui l'admirait,
le grondait, l'encourageait et le plaignait tour a tour, sans jamais rien
reveler de sa propre destinee, mais en laissant pressentir des tresors
d'affection, de devouement, peut-etre de volupte! Du moins, c'est ainsi
qu'il plaisait a Laurent d'interpreter le silence de Therese sur son
propre compte, et un certain sourire, mysterieux comme celui de la Joconde,
qu'elle avait sur les levres et au coin de l'oeil, lorsqu'il blasphemait
devant elle. Dans ces moments-la, elle avait l'air de se dire: "Je
pourrais bien decrire le paradis en regard de ce mauvais enfer; mais ce
pauvre fou ne me comprendrait pas."
Une fois le mystere de son coeur devoile, Therese perdit d'abord tout son
prestige aux yeux de Laurent. Ce n'etait plus qu'une femme pareille aux
autres. Il etait meme tente de la rabaisser dans sa propre estime, et,
bien qu'elle ne se fut jamais laisse interroger, de l'accuser d'hypocrisie
et de pruderie. Mais, du moment qu'elle etait a quelqu'un, il ne
regrettait plus de l'avoir respectee, et il ne desirait plus rien d'elle,
pas meme son amitie, qu'il n'etait pas embarrasse, pensait-il, de trouver
ailleurs.
Cette situation dura deux ou trois jours, pendant lesquels Laurent prepara
plusieurs pretextes pour s'excuser, si par hasard Therese lui demandait
compte de ce temps passe sans venir chez elle. Le quatrieme jour, Laurent
se sentit en proie a un _spleen_ indicible. Les filles de joie et les
femmes galantes lui donnaient des nausees; il ne retrouvait dans aucun de
ses amis la bonte patiente et delicate de Therese pour remarquer son ennui,
pour tacher de l'en distraire, pour en chercher avec lui la cause et le
remede, en un mot pour s'occuper de lui. Elle seule savait ce qu'il
fallait lui dire, et paraissait comprendre que la destinee d'un artiste
tel que lui n'etait pas un fait de peu d'importance, et sur lequel un
esprit eleve eut le droit de prononcer que, s'il etait malheureux, c'etait
tant pis pour lui.
Il courut chez elle avec tant de hate, qu'il oublia ce q
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