e n'etre ni libre ni mariee, plutot que de souiller le pere de son
enfant par un scandale et une condamnation infamante. L'enfant devenait de
toute facon un batard; mais mieux valait qu'il n'eut pas de nom et qu'il
ignorat a jamais sa naissance que d'avoir a reclamer un nom tare en
deshonorant son pere.
"Therese aimait encore ce malheureux! elle me l'a avoue, et lui-meme, il
l'aimait d'une diabolique passion. Il y eut des luttes dechirantes, des
scenes sans nom, ou Therese se debattit avec une energie au-dessus de son
age, je ne veux pas dire de son sexe; une femme, quand elle est heroique,
ne l'est pas a demi.
"Enfin elle l'emporta; elle garda son enfant, chassa de ses bras le
coupable et le vit partir avec sa rivale, qui, bien que devoree de
jalousie, fut vaincue par sa magnanimite jusqu'a lui baiser les pieds en
la quittant.
"Therese changea de pays et de nom, se fit passer pour veuve, resolue a se
faire oublier du peu de personnes qui l'avaient connue, et se mit a vivre
pour son enfant avec un douloureux enthousiasme. Cet enfant lui etait si
cher, qu'elle pensait pouvoir se consoler de tout avec lui; mais ce
dernier bonheur ne devait pas durer longtemps.
"Comme le comte avait de la fortune et qu'il n'avait pas d'enfant de sa
premiere femme, Therese avait du accepter, a la priere meme de celle-ci,
une pension raisonnable pour etre en mesure d'elever convenablement son
fils; mais a peine le comte eut-il reconduit sa femme a La Havane, qu'il
l'abandonna de nouveau, s'echappa, revint en Europe et alla se jeter aux
pieds de Therese, la suppliant de fuir avec lui et avec son enfant a
l'autre extremite du monde.
"Therese fut inexorable: elle avait reflechi et prie. Son ame s'etait
affermie, elle n'aimait plus le comte. Precisement a cause de son fils,
elle ne voulait pas qu'un tel homme devint le maitre de sa vie. Elle avait
perdu le droit d'etre heureuse, mais non pas celui de se respecter
elle-meme: elle le repoussa sans reproches, mais sans faiblesse. Le comte
la menaca de la laisser sans ressources: elle repondit qu'elle n'avait pas
peur de travailler pour vivre.
"Ce miserable fou s'avisa alors d'un moyen execrable, soit pour mettre
Therese a sa discretion, soit pour se venger de sa resistance. Il enleva
l'enfant et disparut. Therese courut apres lui; mais il avait si bien pris
ses mesures, qu'elle fit fausse route et ne le rejoignit pas. C'est alors
que je la rencontrai en Angleterre; mourant de desespoir
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