ent en eclatant de rire.
Et il ajouta, en riant toujours et sans trop savoir pourquoi lui venait ce
correctif:
--A moins que ce ne soit avec vous, Therese. Eh! c'est une idee, cela!
--Charmante, repondit-elle, mais tout a fait impossible.
La reponse de Therese frappa Laurent par sa tranquillite sans appel, et ce
qu'il venait de dire par maniere de saillie lui parut tout a coup un reve
enterre, comme s'il eut pris place dans son esprit. Ce puissant et
malheureux esprit etait ainsi fait que, pour desirer quelque chose, il lui
suffisait du mot _impossible_, et c'est justement ce mot-la que Therese
venait de dire.
Aussitot ses velleites d'amour pour elle lui revinrent, et en meme temps
ses soupcons, sa jalousie et sa colere. Jusque-la, ce charme d'amitie
l'avait berce et comme enivre; il devint tout a coup amer et
glace.
--Ah! oui, au fait, dit-il en prenant son chapeau pour s'en aller, voila
le mot de ma vie qui revient a propos de tout, au bout d'une plaisanterie
comme au bout de toute chose serieuse: _impossible!_ Vous ne connaissez
pas cet ennemi-la, Therese; vous aimez tout tranquillement. Vous avez un
_amant_ ou un _ami_ qui n'est pas jaloux, parce qu'il vous connait froide
ou raisonnable! Ca me fait penser que l'heure s'avance, et que _vos
trente-sept cousins_ sont peut-etre la, dehors, qui attendent ma
sortie.
--Qu'est-ce que vous dites donc? lui demanda Therese stupefaite; quelles
idees vous viennent? Avez-vous des acces de folie?
--Quelquefois, repondit-il en s'en allant. Il faut me les pardonner.
II
Le lendemain, Therese recut de Laurent la lettre suivante:
"Ma bonne et chere amie, comment vous ai-je quittee hier? Si je vous ai
dit quelque enormite, oubliez-la, je n'en ai pas eu conscience. J'ai eu un
eblouissement qui ne s'est pas dissipe dehors; car je me suis trouve a ma
porte, en voiture, sans pouvoir me rappeler comment j'y etais monte.
"Cela m'arrive bien souvent, mon amie, que ma bouche dise une parole quand
mon cerveau en dit une autre. Plaignez-moi, et pardonnez-moi. Je suis
malade, et vous aviez raison, la vie que je mene est detestable.
"De quel droit vous ferais-je des questions? Rendez-moi cette justice que,
depuis trois mois que vous me recevez intimement, c'est la premiere que je
vous adresse: Que m'importe que vous soyez fiancee, mariee ou veuve?...
Vous voulez que personne ne le sache; ai-je cherche a le savoir? Vous
ai-je demande?... Ah! tenez, Therese, il y a
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