lleurs, si
nous prenons la question de plus haut, toutes les raisons que vous avez
donnees a votre Americain et a moi ne valent pas deux sous. Vous ne savez
pas faire le portrait, c'est possible, cela est meme certain, s'il faut le
faire dans les conditions du succes bourgeois; mais M. Palmer n'exigeait
nullement qu'il en fut ainsi. Vous l'avez pris pour un epicier, et vous
vous etes trompe. C'est un homme de jugement et de gout, qui s'y connait,
et qui a pour vous de l'enthousiasme. Jugez si je l'ai bien recu! Il
venait a moi comme a un pis aller, je m'en suis fort bien apercue, et je
lui en ai su gre. Aussi l'ai-je console en lui promettant de faire tout
mon possible pour vous decider a le peindre. Nous parlerons donc de cette
affaire apres-demain, car j'ai donne rendez-vous au dit Palmer pour le
soir, afin qu'il m'aide a plaider sa propre cause et qu'il emporte votre
promesse.
Sur ce, mon cher Laurent, desennuyez-vous de votre mieux de ne pas me voir
pendant deux jours.
Cela ne vous sera pas difficile, vous connaissez beaucoup de gens d'esprit,
et vous avez le pied dans le plus beau monde. Moi, je ne suis qu'une
vieille precheuse qui vous aime bien, qui vous conjure de ne pas vous
coucher tard toutes les nuits, et qui vous conseille de ne faire exces et
abus de rien. Vous n'avez pas ce droit-la: genie oblige.
Votre camarade,
THERESE JACQUES.
* * * * *
A MADEMOISELLE JACQUES.
Ma chere Therese, je pars dans deux heures pour une partie de campagne
avec le comte de S... et le prince D... Il y aura de la jeunesse et de la
beaute, a ce que l'on assure. Je vous promets et vous jure de ne pas faire
de sottises et de ne pas boire de champagne... sans me le reprocher
amerement! Que voulez-vous! j'eusse certainement mieux aime flaner dans
votre grand atelier, et deraisonner dans votre petit salon lilas; mais,
puisque vous etes en retraite avec vos trente-six cousins de province,
vous ne vous apercevrez certainement pas non plus de mon absence
apres-demain: vous aurez la delicieuse musique de l'accent anglo-americain
pendant toute la soiree. Ah! il s'appelle Dick, ce bon M. Palmer? Je
croyais que Dick etait le diminutif familier de Richard! Il est vrai qu'en
fait de langues, je sais tout au plus le francais.
Quant au portrait, n'en parlons plus. Vous etes mille fois trop maternelle,
ma bonne Therese, de penser a mes interets au detriment des votres. Bien
que vous ayez une belle cl
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