t une paille qu'il tira
precipitamment du lit d'Andre, et la mettant entre lui et M. de Morand:
--Tenez, marquis, lui dit-il, il est encore temps de vous raviser et de
vous tenir tranquille. Je serais au desespoir de manquer a un ami et a
un homme de votre age; mais le diable me rompe comme cette paille si je
me laisse insulter, fut-ce par mon pere! entendez-vous?
--Mes freres, au nom de Jesus-Christ, finissez cette scene scandaleuse,
dit le cure. Monsieur le marquis, votre fils reconnait cette jeune
fille: c'est peut-etre la volonte de Dieu qu'elle le ramene a la vie.
C'est une fille pieuse et qui a du prier avec ferveur. Si vous ne voulez
pas que votre fils l'epouse, prenez-vous-y du moins avec le calme et la
dignite qui conviennent a un pere. Je vous aiderai a faire comprendre
a ces enfants que leur devoir est d'obeir. Mais dans ce moment-ci vous
devez ceder quelque chose si vous voulez qu'on vous cede tout a fait
plus tard. Et vous, monsieur Joseph, ne parlez pas avec cette violence,
et ne menacez pas un vieillard aupres du lit de souffrance de son
enfant, et peut-etre aupres du lit de mort d'un chretien.
Joseph n'avait pas abjure un certain respect pour le caractere
ecclesiastique et pour les remontrances pieuses. Il etait capable de
chanter des chansons obscenes au cabaret et de rire des choses saintes
le verre a la main; mais il n'aurait pas ose entrer dans l'eglise de son
village le chapeau sur la tete, et il n'eut, pour rien au monde, insulte
le vieux pretre qui lui avait fait faire sa premiere communion.
--Monsieur le cure, dit-il, vous avez raison; nous sommes des fous. Que
M. de Morand s'apaise ce soir, je lui ferai des excuses demain.
--Je ne veux pas de vos excuses, repondit le marquis d'un ton d'humeur
qui marquait que sa colere etait a demi calmee; et quant a M. le cure,
ajouta-t-il entre ses dents, il pourrait bien garder ses sermons pour
l'heure de la messe... Que cette fille sorte d'ici, et tout sera fini.
--Qu'elle reste, je vous prie, monsieur, dit le medecin; votre fils
eprouve reellement du soulagement a son approche. Regardez-le: ses yeux
ont repris un peu de mobilite, et il semble qu'il cherche a comprendre
sa situation.
En effet, Andre, apres la profonde insensibilite qui avait suivi son
acces de delire, commencait a retrouver la memoire, et, a mesure qu'il
distinguait les traits de Genevieve, une expression de joie enfantine
commencait a se repandre sur son visage affaisse. La mai
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