tre moi. Ah! je m'en
moque bien! Je voudrais bien voir qu'il essayat du nouveau?
--Il y a des choses que le caractere le plus ferme et l'esprit le plus
sense ne peuvent ni prevenir ni empecher, dit Joseph d'un air grave;
les nouvelles lois donnent aux enfants un recours si etendu contre
l'autorite sacree des parents!
Le marquis commenca a prevoir l'ouverture que lui preparait Joseph. Il
y avait pense plus d'une fois, et s'etait flatte que son fils n'oserait
jamais en venir la. Grossierement abuse par la feinte amitie de Joseph,
il commenca a concevoir des craintes serieuses, et il jeta autour de lui
un regard etrange, que Joseph interpreta sur-le-champ. Il se promit de
profiter de la terreur cupide du marquis, et, pour s'emparer de lui de
plus en plus, il s'invita adroitement a diner. "Ma demande n'est pas
trop indiscrete, dit-il en tirant de sa gibeciere le lievre qu'il avait
achete au marche, j'ai precisement sur moi le roti.
--C'est une belle piece de gibier, dit le marquis en examinant le lievre
d'un air de connaisseur.
--Je le crois bien, dit Joseph; mais ne me faites pas trop de
compliments, car c'est votre bien que je vous rapporte; j'ai tue _ca_
sur vos terres.
--En verite? dit le marquis, dont les yeux brillerent de joie: eh bien!
tu vois, ils pretendent tous qu'il n'y a pas de lievres dans ma commune!
Moi, je sais qu'il y en a de beaux et de bons, puisque j'en eleve tous
les ans plus de cinquante que je lache en avril dans mes champs. Ca
me coute gros; mais enfin c'est agreable de trouver un lievre dans un
sillon de temps en temps.
--A qui le dites-vous?
--Eh bien! tu sais les tracasseries de mes voisins pour ces malheureux
lievres. L'un disait:--Il se ruine, il fait des folies; l'autre:--Il a
perdu la tete; jamais lievres ne multiplieront dans un terrain si sec et
si pierreux; ils s'en iront tous du cote des bois. Un troisieme disait:
--Le marquis fournit de lievres la table du voisin; il fait des eleves
pour sa commune, mais ils iront brouter le serpolet du Theil. Jusqu'a
mon garde champetre qui me soutient effrontement n'avoir jamais vu la
trace d'un lievre sur nos guerets.
--Eh bien! qu'est-ce que c'est que ca? dit Joseph en balancant d'un air
superbe son lievre par les oreilles; est-ce un ane? est-ce une souris?
Je voudrais bien que le garde champetre et tous les voisins fussent la
pour me dire si ce que je tiens la est une chouette ou un oison.
Cette aimable plaisanterie fit rire aux
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