, et pretendit qu'Andre
etait ce qu'il avait de plus cher au monde.
--Apres votre argent, papa! lui repondit etourdiment Joseph, qui, par
depit, s'etait grise aussi.
--Qu'est-ce que tu dis? s'ecria le marquis; veux-tu que je te casse une
bouteille sur la tete pour t'apprendre a parler?
La querelle n'alla pas plus loin; le marquis s'endormit, et Joseph se
sentait une mauvaise humeur inquiete et agissante qui lui donnait envie
d'etre dehors et de faire galoper Francois a bride abattue. Avant de le
laisser partir, M. de Morand lui fit promettre de revenir le lendemain
avec Andre et Genevieve.
Le lendemain de bonne heure, Joseph, repose et degrise, alla trouver ses
amis. Il avait bien envie de les gronder; mais la candeur et la noblesse
de Genevieve, au milieu de ses perfidies obligeantes, le forcaient au
silence. Ils monterent tous trois en patache, et arriverent au chateau
de Morand sans s'etre dit un mot durant la route. Andre etait triste,
Joseph embarrasse; Genevieve etait absorbee dans une reverie douce
et melancolique. Les embrassements du marquis et de son fils furent
convulsivement froids. La douce figure de Genevieve, son air souffrant,
ses respectueuses caresses, firent une certaine impression sur la
grossiere ecorce du marquis. Il ne put s'empecher de lui temoigner des
egards et des soins qu'il n'avait peut-etre jamais eus pour aucune
femme, hors les cas d'amour et de galanterie, ou il se piquait d'etre
accompli. Le jeune couple fut installe au chateau assez convenablement,
et richement en comparaison de l'etat miserable dont il sortait. Le
marquis eut l'air de faire beaucoup, quoiqu'il ne fit que preter une
chambre et ceder deux places a sa table. Andre ne se plaignit pas;
Genevieve etait reconnaissante des plus petites attentions. Joseph
venait de temps en temps; il etait mecontent et decourage d'avoir manque
sa grande entreprise. La conduite sordide du pere le revoltait, la
resignation indolente du fils l'impatientait; mais il ne pouvait que se
taire et boire le vin du marquis.
Tout alla bien pendant quelques jours. Quand les premiers moments de
satisfaction d'un cote et d'allegement de l'autre furent passes, quand
le marquis se fut accoutume a ne rien craindre de la part de son
fils, et Andre a ne rien esperer de la part de son pere, l'antipathie
naturelle qui existait entre eux reprit le dessus. Le marquis etait
mefiant maladroitement, comme un vieux campagnard. Il croyait avoir mate
Andre; mais
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