. Elle se soumit et sentit la douleur penetrer
comme un poison dans toutes les fibres de son coeur.
[Illustration: A genoux, Andre, dit Genevieve a son mari.]
Quand son parti fut pris, quand elle se fut detachee de la vie par un
renoncement volontaire et complet a toute esperance de bonheur, elle
retrouva la forte patience et le calme exterieur qui faisaient la base
de son caractere. Une grande passion pour son mari l'eut rendue capable
de porter joyeusement le poids d'une si rude destinee et de se conserver
pour des jours meilleurs; mais ces jours-la n'etaient pas a esperer
avec une ame aussi debile que celle d'Andre. Genevieve n'etait pas
nee passionnee; elle etait nee honnete, intelligente et ferme. Elle
raisonnait avec une logique accablante, et toutes ses conclusions
tendaient a la desesperer. Un instant elle avait entrevu une vie d'amour
et d'enthousiasme, elle l'avait comprise plutot que sentie; pour lui
inspirer l'aveugle devouement de la passion, il eut fallu un etre assez
grand, assez accompli pour la convaincre avant de l'entrainer. Elle
avait vu cet etre-la dans ses livres, et elle avait cru le voir encore
derriere l'enveloppe douce, gracieuse et caressante d'Andre; mais a la
premiere occasion elle avait decouvert qu'elle s'etait trompee.
Elle continua de l'aimer et le traita dans son coeur, non comme un
amant, mais comme elle eut fait d'un frere plus jeune qu'elle. Elle
s'efforca de lui epargner la souffrance en lui cachant la sienne; elle
s'habitua a souffrir seule, a n'avoir ni appui, ni consolation, ni
conseil. Sa force augmenta dans cette solitude intellectuelle; mais son
corps s'y brisa, et elle sentit avec joie qu'elle ne devait pas souffrir
longtemps.
Andre la vit deperir sans comprendre qu'il allait la perdre. Elle
souffrait extremement de sa grossesse, et attribuait a cet etat toutes
ses indispositions et toutes ses tristesses.
Andre la soignait tendrement, et s'imaginait qu'elle serait delivree de
tous ses maux le jour ou elle deviendrait mere.
Genevieve, se sentant pres de ce moment, songea a l'avenir de cet enfant
qu'elle esperait leguer a son mari. Elle s'effraya de l'education qu'il
allait recevoir et des maux qu'il aurait a endurer: elle desira lui
procurer une existence independante, et, pensant qu'elle avait assez
fait pour montrer sa soumission et son desinteressement personnel, elle
decida en elle-meme que le moment du courage et de la fermete etait
venu.
Elle declara donc
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