lit, il ne
savait pas a quel point elle avait souffert pour lui. Il se laissait
aller paresseusement au bien-etre de la convalescence, et s'il desirait
sincerement de voir arriver le jour ou il pourrait aller la trouver,
il est certain aussi qu'il craignait le jour ou son pere enflerait sa
grosse voix pour lui dire: _D'ou venez-vous?_
Genevieve attendait, pour le juger et prendre un parti, la conduite
qu'il tiendrait avec elle; mais il demeurait dans l'indecision. Chaque
jour elle demandait a Joseph s'il lui avait parle d'elle, et Joseph
repondait ingenument que non. Enfin un jour il crut lui apporter une
grande consolation en lui racontant qu'Andre lui avait ouvert son coeur,
qu'il avait parle d'elle avec enthousiasme, et de la cruaute de son pere
avec desespoir.
--Et qu'a-t-il resolu? demanda Genevieve.
--Il m'a demande conseil, repondit Joseph.
--Et c'est tout?
--Il s'est jete dans mes bras en pleurant, et m'a supplie de l'aider et
de le proteger dans son malheur.
Genevieve eut sur les levres un sourire imperceptible. Ce fut toute
l'expansion d'une ame offensee et dechiree a jamais.
"Et j'ai promis, reprit Joseph, de donner pour lui mon dernier vetement
et ma derniere goutte de sang; pour lui et pour vous, entendez-vous,
mademoiselle Genevieve?"
Elle le remercia d'un air distrait qu'il prit pour de l'incredulite.
--Oh! vous ne vous fiez pas a mon amitie, je le sais, dit-il. Andre doit
vous avoir raconte que _dans les temps_ j'etais un peu contraire a votre
mariage; je ne vous connaissais pas, Genevieve; a present je sais que
vous etes un _bon sujet_, un _bon coeur_, et je ne ferais pas moins pour
vous que pour ma propre soeur.
--Je le crois, mon cher monsieur Marteau, dit Genevieve en lui tendant
la main. Vous m'avez donne deja bien des preuves d'amitie durant cette
cruelle quinzaine. A present je suis tranquille sur la sante d'Andre,
et, grace a vous, j'ai supporte sans mourir les plus affreuses
inquietudes. Je n'abuserai pas plus longtemps de votre compassion;
j'ai une cousine a Gueret qui m'appelle aupres d'elle, et je vais la
rejoindre.
--Comment! vous partez? dit Joseph, dont la figure prit tout a coup, et
a son insu, une expression de tristesse qu'elle n'avait peut-etre jamais
eue. Et quand? et pour combien de temps?
--Je pars bientot, Joseph, et je ne sais pas quand je reviendrai.
--Eh quoi! vous quittez le pays au moment ou Andre va etre gueri et
pourra venir vous voir tous les
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