s! Ecrire a
un jeune homme! tu trouves cela tout simple! et me donner la lettre,
a moi qui suis sa maitresse! et me dire: La voila; elle n'est pas
cachetee, tu ne la liras pas.
--Est-ce que j'ai tort de croire a ta delicatesse? dit Genevieve
ecrivant toujours.
--Non, certes; mais enfin c'est une commission bien singuliere; et
moi qui viens de faire une scene epouvantable a Joseph, quelle figure
vais-je faire en lui portant une lettre de toi? une lettre!...
--Mais, ma chere, dit Genevieve, une lettre est une lettre; qu'y a-t-il
de si tendre et de si intime dans l'envoi d'un papier plie?
--Mais, ma chere, repondit Henriette, entre jeunes gens et jeunes filles
on ne s'ecrit que pour se parler d'amour. De quoi peut-on se parler, si
ce n'est de cela?
--En effet, je lui parle d'amour, repondit Genevieve, mais de l'amour
d'un autre. Va, Henriette, emporte ce billet, et ne le remets pas demain
avant midi. Embrasse-moi. Adieu!
[Illustration: Ils apercurent Genevieve assise dans un coin.]
XVI.
Genevieve passa la nuit a mettre tout en ordre. Elle fit ses cartons, et
en touchant toutes ces fleurs qu'Andre aimait tant, elle y laissa tomber
plus d'une larme. "Voici, leur disait-elle dans l'exaltation de ses
pensees, la rosee qui desormais vous fera eclore. Ah! dessechez-vous,
tristes filles de mon amour! Lui seul savait vous admirer, lui seul
savait pourquoi vous etiez belles. Vous allez palir et vous effeuiller
aux mains des indifferents: parmi eux je vais me fletrir comme vous.
Helas! nous avons tout perdu; vous aussi, vous ne serez plus comprises!"
Elle fit un autre paquet des livres qu'Andre lui avait donnes; mais la
vue de ces livres si chers lui fut bien douloureuse. "C'est vous qui
m'avez perdue, leur disait-elle. J'etais avide de savoir vous lire, mais
vous m'avez fait bien du mal! Vous m'avez appris a desirer un bonheur
que la societe reprouve et que mon coeur ne peut supporter. Vous m'avez
forcee a dedaigner tout ce qui me suffisait auparavant. Vous avez change
mon ame, il fallait donc aussi changer mon sort!"
Genevieve fit tous les apprets de son depart avec l'ordre et la
precision qui lui etaient naturels. Quiconque l'eut vue arranger tout
son petit bagage de femme et d'artiste, et tapisser d'ouate la cage
ou devait voyager son chardonneret favori, l'eut prise pour une
pensionnaire allant en vacances. Son coeur etait cependant devore de
douleur sous ce calme apparent. Elle ne se laissait aller a
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