llons, dit-il, je suis pret."
Joseph alla jusqu'a la porte, s'arreta pour reflechir et revint.
--Que t'a dit ton pere, demanda-t-il, lorsque tu lui as parle de ton
projet?
--Ce qu'il m'a dit? reprit Andre etonne; je ne lui en ai jamais parle.
--Comment, diable! tu n'es pas plus avance que cela? Et pourquoi ne lui
en as-tu pas encore parle?
--Et comment pourrais-je le faire? Sais-tu quel homme est mon pere quand
on l'irrite?
--Andre, dit Joseph en se rasseyant d'un air serieux, tu n'epouseras
jamais Genevieve; elle a bien fait de renoncer a toi.
--Oh! Joseph, pourquoi me parles-tu ainsi quand je suis si malheureux?
s'ecria Andre en cachant son visage dans ses mains. Que veux-tu que je
fasse? que veux-tu que je devienne? Tu ne sais donc pas ce que c'est que
d'avoir vecu vingt ans sous le joug d'un tyran? Tu as ete eleve comme un
homme, toi; et d'ailleurs la nature t'a fait robuste. Moi, je suis ne
faible, et l'on m'a opprime...
--Mais, par tous les diables! s'ecria Joseph, on n'eleve pas les hommes
comme les chiens, on ne les persuade pas par la peur du fouet. Quel
secret a donc trouve ton pere pour t'epouvanter ainsi? Crains-tu d'etre
battu, ou te prend-il par la faim? l'aimes-tu, ou le hais-tu? es-tu
devot ou poltron? Voyons, qu'est-ce qui t'empeche de lui dire une bonne
fois: "Monsieur mon pere, j'aime une honnete fille, et j'ai donne ma
parole de l'epouser. Je vous demande respectueusement votre approbation,
et je vous jure que je la merite. Si vous consentez a mon bonheur, je
serai pour toujours votre fils et votre ami; si vous refusez, j'en suis
au desespoir, mais je ne puis manquer a mes devoirs envers Genevieve.
Vous etes riche, j'ai de quoi vivre; separons nos biens; ceci est a
vous, ceci est a moi; j'ai bien l'honneur de vous saluer. Votre fils
respectueux, Andre." C'est comme cela qu'on parle ou qu'on ecrit.
--Eh bien! Joseph, je vais ecrire, tu as raison. Je laisserai la lettre
sur une table, ou je la ferai remettre par un domestique apres notre
depart. Va preparer le char a bancs; mais prends bien garde qu'on ne te
voie...
--Ah! voila une parole d'ecolier qui tremble. Non, Andre, cela ne peut
pas se faire ainsi. Je commence a voir clair dans ta tete et dans la
mienne. J'ai des devoirs aussi envers Genevieve. Je suis son ami; je
dois agir prudemment et ne pas la jeter dans de nouveaux malheurs par
un zele inconsidere. Avant de courir apres elle et de contrarier une
resolution qu'elle a en
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