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rivale. Elle etait bonne, et son premier mouvement etait toujours
genereux; mais elle n'avait pas l'ame assez elevee pour resister a
l'humiliation de l'abandon et aux railleries de ses compagnes. Elle
accablait Genevieve de menaces ridicules. La malheureuse enfant perdit
enfin ce noble et tranquille orgueil qui l'avait soutenue jusque-la.
Elle devint craintive, et sa raison s'affaiblit; elle passait les nuits
dans une solitude effrayante; son imagination, troublee par la fievre,
l'entourait de fantomes: tantot c'etait le marquis, tantot Henriette,
qui la foulaient aux pieds et lui devoraient le coeur, tandis qu'Andre
dormait tranquillement, et, sourd a ses cris, ne s'eveillait pas. Alors
elle se levait effaree, baignee de sueur; elle ouvrait sa fenetre et
s'exposait a l'air froid de l'automne. Un matin Andre entra chez elle et
la trouva evanouie a terre; il voulut ne plus la quitter et s'obstina a
passer les nuits dans la chambre voisine. Il fallut y consentir: elle
n'avait pas une amie pour la secourir. Ni Genevieve ni Andre, qui
etait reduit au meme denument, n'avaient le moyen de payer une garde;
d'ailleurs Andre l'aurait-il remise a des soins mercenaires, quand il
croyait pouvoir la soigner avec le respect et la securite d'un frere?
Il ne savait pas a quel danger il s'exposait. Au milieu de la nuit,
les cris de Genevieve le reveillaient en sursaut; il se levait et la
trouvait a moitie nue, pale et les cheveux epars. Elle se jetait a son
cou en lui disant: "Sauve-moi sauve-moi!" Et, quand cet acces de
frayeur febrile etait passe, elle retombait epuisee dans ses bras et
s'abandonnait indifferente et presque insensible a ses caresses. Andre
s'etait jure de ne jamais profiter de ces moments d'accablement et
d'oubli. Il s'asseyait a son chevet et rendormait en la soutenant sur
son coeur; mais ce coeur palpitait de toute l'ardeur de la jeunesse et
d'une passion longtemps comprimee. Chaque nuit il esperait calmer le feu
dont il etait devore par une etreinte plus forte, par un baiser plus
passionne que la veille; et il croyait chaque nuit pouvoir s'arreter a
cette derniere caresse brulante mais chaste encore.
Qu'y a-t-il d'impur entre deux enfants beaux et tristes et abandonnes
du reste du monde? Pourquoi fletrir la sainte union de deux etres a qui
Dieu inspire un mutuel amour? Andre ne put combattre longtemps le voeu
de la nature. Genevieve malade et souffrante lui devenait plus
chere chaque jour. Le feu de la fievre
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