ile creature qui veut le depouiller de son
argent pour s'enrichir."
Andre voyait les souffrances et les privations que la misere imposait a
sa femme; il aurait du surmonter les scrupules de Genevieve et sacrifier
tout a la conservation de celle qui allait le rendre pere; mais cet
effort etait pour lui le plus difficile de tous. Il savait que le
marquis tenait encore plus a l'argent qu'au plaisir de commander; il
prevoyait des lettres de reproches et de menaces plus terribles que
toutes celles qu'il avait recues de lui a l'occasion de son mariage, et
puis il se flattait de faire vivre Genevieve par son travail. Il avait
obtenu avec bien de la peine un miserable emploi dans un college. Andre
etait instruit et intelligent, mais il n'etait pas _industrieux_. Il ne
savait pas s'appliquer et s'attacher a une profession, en tirer parti,
et s'elever par sa perseverance jusqu'a une position meilleure et plus
honorable. Ce metier de cuistre lui etait odieux; il le remplissait
avec une repugnance qui lui attirait l'inimitie des eleves et des
professeurs. On l'accabla de vexations qui lui rendirent l'exercice de
son miserable etat de plus en plus penible; il les supporta du mieux
qu'il put, mais sa sante en souffrit. Chaque soir en rentrant chez lui
il avait des attaques de nerfs, et souvent le matin il etait si brise et
il se sentait le coeur tellement devore de douleur et de colere qu'il
lui etait impossible de se trainer jusqu'a sa classe; on le renvoya.
Joseph lui avait ouvert sa bourse; mais il etait pauvre, charge de
famille. D'ailleurs Genevieve, a l'insu de laquelle Andre avait accepte
d'abord les secours de son ami, avait fini par s'apercevoir de ces
emprunts, et elle s'y opposait desormais avec fermete. Elle supportait
la faim et le froid avec un courage heroique, et se condamnait aux plus
grossiers travaux sans jamais faire entendre une plainte. Andre etait
assez malheureux; assez de tourments, assez de remords le dechiraient;
elle essaya de le consoler en pleurant avec lui. Mais une femme ne peut
pas aimer d'amour un homme qu'elle sent inferieur a elle en courage;
l'amour sans veneration et sans enthousiasme n'est plus que de l'amitie;
l'amitie est une froide compagne pour aider a supporter les maux
immenses que l'amour a fait accepter.
Joseph ne voyait dans tout cela que l'air souffrant et abattu d'Andre et
sa situation precaire; il ne savait plus quel conseil ni quel secours
lui donner. Un matin il prit sa gibeci
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