animait sa beaute d'un eclat
inaccoutume; avec cette rougeur et ces yeux brillants, c'etait une autre
femme, sinon plus aimee, du moins plus desirable. Andre ne savait pas
lutter longtemps contre lui-meme; il succomba, et Genevieve avec lui.
Quand elle retrouva ses forces et sa raison, il lui sembla qu'elle
sortait d'un reve ou qu'un des genies des contes arabes l'avait portee
dans les bras de son amant durant son sommeil. Il se jeta a ses pieds,
les arrosa de ses larmes et la conjura de ne pas se repentir du bonheur
qu'elle lui avait donne. Genevieve pardonna d'un air sombre et avec un
coeur desespere; elle avait trop de fierte pour ne pas hair tout ce qui
ressemblait a une victoire des sens sur l'esprit; elle n'osa faire des
reproches a Andre; elle connaissait l'exasperation de sa douleur au
moindre signe de mecontentement qu'elle lui donnait; elle savait qu'il
etait si peu maitre de lui-meme que dans sa souffrance il etait capable
de se donner la mort.
Elle supporta son chagrin en silence; mais au lieu de tout pardonner a
l'entrainement de la passion, elle sentit qu'Andre lui devenait moins
cher et moins sacre de jour en jour. Elle l'aimait peut-etre avec plus
de devouement; mais il n'etait plus pour elle, comme autrefois, un
ami precieux, un instituteur venere; la tendresse demeurait, mais
l'enthousiasme etait mort. Pale et reveuse entre ses bras, elle songeait
au temps ou ils etudiaient ensemble sans oser se regarder, et ce temps
de crainte et d'espoir etait pour elle mille fois plus doux et plus beau
que celui de l'entier abandon.
Pour comble de malheur, Genevieve devint grosse; alors il n'y eut plus
a reculer, Andre fit les sommations de rigueur a son pere, et, un soir,
Genevieve, appuyee sur le bras de Joseph, alla a l'eglise et recut
l'anneau nuptial de la main d'Andre. Elle avait ete le matin a la mairie
avec le meme mystere; ce fut un mariage triste et commis en secret comme
une faute.
La misere ou tombait de jour en jour ce couple malheureux, et surtout la
grossesse de Genevieve, mettait Andre dans la necessite de reclamer sa
fortune; mais Genevieve s'opposait avec force a cette derniere demarche.
"Non, disait-elle, c'est bien assez de lui avoir desobei et d'avoir
brave sa malediction et sa colere; il ne faut pas meriter son mepris et
sa haine. Jusqu'ici il peut dire que je suis une insensee, qui s'est
eprise de son fils et qui l'a entraine dans le malheur; il ne faut pas
qu'il dise que je suis une v
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