d'embarras et qui devait ne
m'etre jamais bon a rien. Combien de fois ne me suis-je pas leve au
milieu de la nuit pour vous preparer des _breuvages_ quand on venait me
dire que vous aviez des convulsions!"
Andre aurait pu trouver a toutes ces grandes actions de son pere des
explications fort prosaiques. Sans parler des petits cadeaux a la
servante qui, dans le pays, n'etaient pas uniquement attribues a la
tendresse paternelle, il aurait pu se rappeler aussi que le marquis
avait coutume de passer les nuits dans la plus grande agitation quand
un de ses bestiaux etait malade; et, quant aux fameux _breuvages_ qu'il
preparait lui-meme et pareils en tout a ceux qu'il distribuait largement
a ses boeufs de travail, Andre avait souvent fait, dans son enfance, le
rude essai de ses forces contre l'energie de ces potions diaboliques.
Mais Andre etait si bon et si doux qu'il fut un instant emu et persuade
par ces grossieres demonstrations d'amitie. Le marquis l'observait
attentivement, tout en poursuivant sa declamation.
Il vit sur son visage des traces d'attendrissement, et, empresse de
ressaisir son empire, il en profita pour frapper les derniers coups.
Mais il le fit d'une facon maladroite. Il se risqua a vouloir couvrir
d'infamie la conduite de Genevieve, a la presenter comme une intrigante
qui tachait d'envahir le coeur et la fortune d'un enfant credule. Andre
retrouva, comme par enchantement, le peu de forces qu'il avait apportees
a cet entretien. Il sortit en declarant a son pere qu'il appellerait a
son secours la justice, le bon sens et les lois, s'il le fallait. Avec
une resistance plus patiente et plus menagee, il aurait pu vaincre
l'obstination du marquis; mais Andre craignait trop la fatigue du coeur
et de l'esprit pour entreprendre une lutte quelconque.
Joseph vint a sa rencontre sur l'escalier et lui dit: "J'ai entendu le
commencement et la fin de la querelle. Cela s'est passe comme je m'y
attendais. Le char a bancs est pret; partons."
Ils partirent si lestement que le marquis n'eut pas le temps de s'en
apercevoir. Joseph, enchante de faire un coup de tete, fouettait son
cheval en riant aux eclats; et Andre, tout tremblant, songeait a la
premiere journee qu'il avait passee avec Genevieve au _Chateau Fondu_,
et qu'il avait conquise par une fuite pareille.
Ils trouverent la patache, inclinee sur son brancard, a la porte d'un
cabaret, dans un petit village de la Marche. Il ne faisait pas encore
jour. Le conduc
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