jours?
--Nous ne nous reverrons jamais! dit Genevieve pale et les yeux leves au
ciel.
--C'est impossible, c'est impossible! s'ecria Joseph. Qu'a-t-il fait
de mal? qu'avez-vous a lui reprocher? Voulez-vous le faire mourir de
chagrin?
--A Dieu ne plaise! Dites-lui bien, Joseph, que c'est une affaire
pressee... ma cousine dangereusement malade, qui m'a forcee de partir;
que je reviendrai bientot, plus tard.. Dites d'abord dans quelques
jours, et puis vous direz ensuite dans quelques semaines, et puis enfin
dans quelques mois. D'ailleurs j'ecrirai; je trouverai des pretextes;
je lui laisserai d'abord de l'esperance, et puis peu a peu je
l'accoutumerai a se passer de moi... et il m'oubliera.
--Que le diable l'emporte s'il vous oublie! dit Joseph d'une voix
alteree; quant a moi, je vivrais cent ans, que je me souviendrais de
vous!... Mais enfin dites-moi, Genevieve, pourquoi voulez-vous partir,
si vous n'etes pas fachee contre Andre?
--Non, je ne suis pas fachee contre lui, dit Genevieve avec douceur.
Pauvre enfant! comment pourrais-je lui faire un reproche d'etre ne
esclave? Je le plains et je l'aime; mais je ne puis lui faire aucun
bien, et je puis lui apporter tous les maux. Ne voyez-vous pas que deja
ce malheureux amour lui a cause tant d'agitations et d'inquietudes qu'il
a failli en mourir? ne voyez-vous pas que notre mariage est impossible?
--Non, mordieu! je ne vois pas cela. Andre a une fortune independante;
il sera bientot en age de la reclamer et de se debarrasser de l'autorite
de son pere.
--C'est un affreux parti, et qu'il ne prendra jamais, du moins d'apres
mon conseil.
--Mais je l'y deciderai, moi! dit Joseph en levant les epaules.
--Ce sera en pure perte, repondit Genevieve avec fermete. De telles
resolutions deviennent quelquefois inevitables pour les ames les plus
honnetes; mais, pour qu'elles n'aient rien d'odieux, il faut que toutes
les voies de douceur et d'accommodement soient epuisees, il faut avoir
tente tous les moyens de flechir l'autorite paternelle, et Andre ne peut
que desobeir en cachette a son pere ou le braver de loin.
--C'est vrai! dit Joseph, frappe du bon sens de Genevieve.
--Pour moi, ajouta-t-elle, je ne saurai ni descendre a implorer un homme
comme le marquis de Morand, ni m'elever a la hardiesse de diviser le
fils et le pere. Si je n'avais pas de remords, j'aurais certainement des
regrets, car Andre ne serait ni tranquille ni heureux apres un pareil
dementi a la t
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