lui redemandant Genevieve, tantot le
corbillard d'Andre suivi de Genevieve, qui relevait sa jupe par megarde
et laissait voir sa jolie petite jambe.
A cette derniere image, Joseph faisait un grand effort pour chasser
le demon de la concupiscence des voies saintes de l'amitie, et il
s'eveillait en sursaut. Alors il distinguait, a la lueur mourante de
la lampe, la figure rouge du marquis luttant avec les tressaillements
convulsifs de l'impatience, et leurs yeux se rencontraient comme ceux de
deux chats qui guettent la meme souris.
Pendant ce temps, le cure lisait son breviaire a la clarte du jour
naissant. Un petit vent frais agitait les feuilles de la vigne qui
encadrait la fenetre et jouait avec les rares cheveux blancs du
bonhomme. A chaque soupir etouffe du malade, il abaissait son livre,
relevait ses lunettes et protegeait de sa muette benediction le couple
heureux et triste.
Genevieve avait tant souffert, et le trot du cheval l'avait tellement
brisee, qu'elle ne put resister. Malgre l'anxiete de sa situation, elle
ceda, et laissa tomber sa jolie tete aupres de celle d'Andre. Ces deux
visages, pales et doux, dont l'un semblait a peine plus age et plus male
que l'autre, reposerent une demi-heure sur le meme oreiller pour
la premiere fois et sous les yeux d'un pere irrite et vaincu, qui
fremissait de colere a ce spectacle et qui n'osait les separer.
Quand le jour fut tout a fait venu, le cure, ayant acheve son breviaire,
s'approcha du medecin, et ils eurent ensemble une consultation a voix
basse. Le medecin se leva sans bruit, alla toucher le pouls d'Andre
et les arteres de son front; puis il revint parler au cure. Celui-ci
s'approcha alors de Genevieve, qui s'etait doucement eveillee pour ceder
la main de son amant a celle du medecin. Elle ecouta le cure, fit un
signe de tete respectueux et resigne; puis alla trouver Joseph et lui
parla a l'oreille. Joseph se leva. Le marquis avait fini par s'endormir.
Quand il s'eveilla, il se trouva seul dans la chambre avec son fils et
le medecin. Ce dernier vint a lui et lui dit:
--M. le cure a juge prudent et convenable de faire retirer la jeune
personne, dont la presence ou le depart aurait pu agir trop violemment
dans quelques heures sur les nerfs du malade. Je me suis assure de
l'etat du pouls. La fievre etait presque tombee, et la faiblesse de
votre fils permettait de compter sur le defaut de memoire. En effet, le
malade s'est eveille sans chercher Genevieve et san
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