er un metier; mais le peu que je possede pourra me mettre a l'abri
du besoin.
--Essaies-en, et tu verras.
--Je compte en essayer.
Joseph frappa du pied avec chagrin.
--Et c'est moi qui t'ai mis cette sottise d'amour en tete! s'ecria-t-il;
je ne me le pardonnerai jamais! Pouvais-je penser que tu prendrais au
serieux la premiere occasion de plaisir offerte a ta jeunesse?
--J'etais donc un lache et un miserable a tes yeux? Tu croyais que je
consentirais a voir diffamer Genevieve sans prendre sa defense et sans
reparer le mal que je lui aurais fait!
--On n'est pas un lache et un miserable pour cela, dit Joseph en
haussant les epaules; je ne crois etre ni l'un ni l'autre, et pourtant
je fais la cour a Henriette; tout le monde le sait, et je la laisse tant
qu'elle veut se bercer de l'espoir d'etre un jour madame Marteau. Je
veux etre son amant, et voila tout.
--Vous pouvez parler d'Henriette avec legerete; quoi que je n'approuve
pas le mensonge, je vous trouve excusable jusqu'a un certain point. Mais
etablissez-vous la moindre comparaison entre elle et Genevieve?
--Pas la moindre; j'aime Henriette a la folie, et il n'y a pas un cheveu
de Genevieve qui me tente; je n'entends rien a ces sortes de femmes.
Mais je comprends ta situation. Tu es le premier amant de Genevieve et
tu lui dois plus qu'a toute autre. Rassure-toi cependant; tu ne seras
pas le dernier, et il n'y a pas de fille inconsolable.
--Je ne connais pas les autres filles, et vous ne connaissez pas
Genevieve. Nous ne pouvons pas raisonner ensemble la-dessus; agis avec
Henriette comme tu voudras, je me conduirai avec Genevieve comme Dieu
m'ordonne de le faire.
Joseph s'epuisa en remontrances sans ebranler la resolution de son ami;
il le quitta pour aller faire la paix avec Henriette, et se consola de
l'imprudence d'Andre en se disant tout bas: "Heureusement ce n'est pas
encore fait; la grosse voix du marquis n'a pas encore tonne."
Cet evenement ne se fit pas longtemps attendre. Des amis officieux
eurent bientot informe M. de Morand de la passion de son fils pour une
grisette. Malgre sa haine pour cette espece de femmes, il s'en inquieta
peu d'abord. Il fut meme content, jusqu'a un certain point, de voir
Andre renoncer a ses reves d'expatriation. Mais quand on lui eut repete
plusieurs fois que son fils avait manifeste l'intention serieuse
d'epouser Genevieve, quoiqu'il lui fut encore impossible de le croire,
il commenca a se sentir mecontent de
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