fuit furieuse et desesperee. Joseph se promit de
l'apaiser une autre fois, et il chercha Andre. Mais pendant bien des
jours Andre fut introuvable. Il passait le temps ou il etait force de
quitter Genevieve a courir les pres comme un fou, et a pleurer d'amour
et de joie a l'ombre de tous les buissons. Enfin Joseph le joignit un
matin, comme il allait franchir la porte de sa bien-aimee, et, a son
grand deplaisir, il l'entraina dans le jardin voisin.
--Ah ca! lui dit-il, es-tu fou? Qu'est-ce qui t'arrive? Dois-je en croire
les bavardages d'Henriette et ceux de toute la ville? as-tu l'intention
serieuse d'epouser Genevieve?
--Certainement, repondit Andre avec candeur. Quelle question me fais-tu
la?
--Allons, dit Joseph, c'est une folie de jeune homme, a ce que je vois;
mais heureusement il est encore temps d'y songer. As-tu reflechi un peu,
mon cher Andre? sais-tu quel age tu as? connais-tu ton pere? esperes-tu
lui faire accepter une grisette pour belle-fille? crois-tu que tu auras
seulement le courage de lui en parler?
--Je n'en sais rien, repondit Andre un peu trouble de cette derniere
question; mais je sais que j'ai droit a un petit heritage de ma mere, et
que cela suffira pour m'enrichir au dela de mes besoins et de ceux de
Genevieve.
--Idee de roman, mon cher! On peut vivre avec moins; mais quand on
a vecu dans une certaine aisance, il est dur de se voir reduit au
necessaire. Songes-tu que ton pere est jeune encore, qu'il peut se
remarier, avoir d'autres enfants, te desheriter? Songes-tu que tu auras
des enfants toi-meme, que tu n'as pas d'etat, que tu n'auras pas de quoi
les elever convenablement, et que la misere te tombera sur le corps a
mesure que l'amour te sortira du coeur?
--Jamais il n'en sortira! s'ecria Andre, il me donnera le courage de
supporter toutes les privations, toutes les souffrances...
--Bah! bah! reprit Joseph, tu ne sais pas de quoi tu parles; tu n'as
jamais souffert, jamais jeune.
--Je l'apprendrai, s'il le faut.
--Et Genevieve l'apprendra aussi?
--Je travaillerai pour elle.
--A quoi? Fais-moi le plaisir de me dire a quelle profession tu es
propre. As-tu fait ton droit? as-tu etudie la medecine? Pourrais-tu etre
professeur de mathematiques? Saurais-tu au moins faire des bottes, ou
meme tracer un sillon droit avec la charrue?
--Je ne sais rien d'utile, je l'avoue, repartit Andre. Je n'ai vecu
jusqu'ici que de lectures et de reveries. Je ne suis pas assez fort pour
exerc
|