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qui les ont cogneus, comme s'ils estaient vifs: en sorte que ceux qui n'ont
sceu leur mort, les estiment vivans. Et revelent beaucoup de nouvelles de
loin pays. Et quand on les invite de venir en leurs maisons, ils respondent
avec grands gemissemens qu'ils ne peuvent, mais faut qu'ils s'en aillent a
la montaigne de Hecla, et soudain disparaissent, et ne les voit-on point.
Et communement apparoissent ceux qui ont este submergez en la mer, ou qui
sont morts de quelque mort violente."
[Note 1: _Oeuvres morales et diversifiees_, p. 378.]
Adrien de Montalembert[1] raconte cette histoire d'Antoinette, jeune
religieuse de l'abbaye de Saint-Pierre a Lyon et d'une grande piete, qui
parlait souvent de l'abbesse du monastere, morte dans le repentir apres une
vie dereglee et se recommandait a elle:
[Note 1: _La merveilleuse histoire de l'esprit qui depuis nagueres
est apparu au monastere des religieuses de Saint-Pierre de Lyon,
laquelle est plaine de grant admiration, comme l'on pourra voir a
la lecture de ce present livre_, par Adrien de Montalembert Paris,
1528, in-12.]
"Or advint une nuit que la dicte Antoinette, jeune religieuse, estoit toute
seule en sa chambre, en son lict couchee et dormoit non point trop durement
si luy fut advis que quelque chose luy levoit son queuvrechef tout
bellement et luy fesoit au front le signe de la croix puis doulcement et
souef en la bouche le baisoit. Incontinent la pucelle se reveille non point
grandement effrayee ains tant seulement esbahye, pensant a par soy que ce
pourroit estre qui l'auroit baisee et de la croix signee, entour d'elle
rien n'appercoit... pour cette fois la pucelle ne y prinst pas grand advis
cuydant qu'elle eust ainsi songe et n'en parla a personne.
Advint aucuns jours apres qu'elle ouyt quelque chose entour d'elle faisant
aucun son, et comme soubz ses pieds frapper aucuns petiz coups, ainsi qui
heurteroit du bout d'un baston dessoubz ung carreau ou un marchepied. Et
sembloit proprement que ce qui fesoit ce son et ainsi heurtoit fust dedans
terre profondement; mays le son qui se faisoit estoit ouy quasi quatre doys
en terre tousjours soubz les piedz de la dicte pucelle. Je l'ay ouy maintes
fois et en me repondant sur ce que l'enqueroys frapoit tant de coups que
demandoys. Quand la pucelle eut ja plusieurs fois entendu tel son et bruyt
estrange elle commenca durement s'esbahir, et toute espouvantee le compta a
la bonne abbesse, laquelle bie
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