avait conduit le jeune insense au
tombeau. Il avait souhaite de la voir dans ses derniers moments; mais on
avait dissuade Mlle Clairon de faire cette demarche; et il s'etait ecrie
avec desespoir: "Elle n'y gagnera rien, je la poursuivrai autant apres ma
mort que je l'ai poursuivie pendant ma vie!..."
"Depuis lors, Mlle Clairon entendit, vers les onze heures du soir, pendant
plusieurs mois, un cri aigu; ses gens, ses amis, ses voisins, la police
meme, entendirent ce bruit, toujours a la meme heure, toujours partant sous
ses fenetres, et ne paraissant sortir que du vague de l'air."
"Ces cris cesserent quelque temps. Mais ils furent remplaces, toujours a
onze heures du soir, par un coup de fusil tire dans ses fenetres, sans
qu'il en resultat aucun dommage."
"La rue fut remplie d'espions, et ce bruit fut entendu, frappant toujours a
la meme heure dans le meme carreau de vitre, sans que jamais personne ait
pu voir de quel endroit il partait. A ces explosions succeda un claquement
de mains, puis des sons melodieux. Enfin, tout cessa apres un peu plus de
deux ans et demi[1]".
[Note 1: _Memoires d'Hippolyte Clairon_, edit. de Buisson, p. 167.]
"Le samedi qui suivit les obseques d'un notable bourgeois d'Oppenheim,
Birck Humbert, mort en novembre 1620, peu de jours avant la Saint-Martin,
on ouit certains bruits dans la maison ou il avait demeure avec sa premiere
femme; car etant devenu veuf, il s'etait remarie. Son beau-frere
soupconnant que c'etait lui qui revenait, lui dit:
"Si vous etes Humbert, frappez trois coups contre le mur."
"En effet, on entendit trois coups seulement; d'ordinaire il en frappait
plusieurs. Il se faisait entendre aussi a la fontaine ou l'on allait puiser
de l'eau, et troublait le voisinage, se manifestant par des coups
redoubles, un gemissement, un coup de sifflet ou un cri lamentable. Cela
dura environ six mois."
"Au bout d'un an, et peu apres son anniversaire, il se fit entendre de
nouveau plus fort qu'auparavant. On lui demanda ce qu'il souhaitait: il
repondit d'une voix rauque et basse: "Faites venir, samedi prochain, le
cure et mes enfants."
"Le cure etant malade ne put venir que le lundi suivant, accompagne de bon
nombre de personnes. On demanda au mort s'il desirait des messes? Il en
desira trois; s'il voulait qu'on fit des aumones? il dit: "Je souhaite
qu'on donne aux pauvres huit mesures de grain; que ma veuve fasse des
cadeaux a tous mes enfants, et qu'on reforme ce qui a
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