arnie de longs poils; et, pour signe de
ralliement, sur la poitrine ceux-ci un scapulaire et un chapelet,
ceux-la un tueur, le tueur de Jesus, marque distincte d'une
confrerie qui s'astreignait chaque jour a une priere commune.
Tels sont les hommes qui, a l'heure ou nous traversons la limite
qui separe la Loire-Inferieure du Morbihan, sont eparpilles de la
Roche-Bernard a Vannes, et de Quertemberg a Billers, enveloppant,
par consequent, le bourg de Muzillac.
Seulement, il faut l'oeil de l'aigle qui plane du haut des airs,
ou du chat-huant qui voit dans les tenebres, pour les distinguer
au milieu des genets, des bruyeres et des buissons ou ils sont
tapis.
Passons au milieu de ce reseau de sentinelles invisibles, et,
apres avoir traverse a gue deux ruisseaux affluents du fleuve sans
nom qui vient se jeter a la mer pres de Billiers, entre Arzal et
Damgan, entrons hardiment dans le village de Muzillac. Tout y est
sombre et calme; une seule lumiere brille a travers les fentes des
volets d'une maison ou plutot d'une chaumiere que rien,
d'ailleurs, ne distingue des autres.
C'est la quatrieme a droite, en entrant.
Approchons notre oeil d'une des fenetres de ce volet, et
regardons.
Nous voyons un homme vetu du costume des riches paysans du
Morbihan; seulement, un galon d'or, large d'un doigt, borde le
collet et les boutonnieres de son habit et les extremites de son
chapeau.
Le reste de son costume se complete d'un pantalon de peau et de
bottes a retroussis.
Sur une chaise son sabre est jete.
Une paire de pistolets est a la portee de sa main.
Dans la cheminee, les canons de deux ou trois carabines refletent
un feu ardent.
Il est assis devant une table; une lampe eclaire des papiers qu'il
lit avec la plus grande attention, et eclaire en meme temps son
visage.
Ce visage est celui d'un homme de trente ans; quand les soucis
d'une guerre de partisans ne l'assombrissent pas, on voit que son
expression doit etre franche et joyeuse: de beaux cheveux blonds
l'encadrent, de grands yeux bleus l'animent; la tete a cette forme
particuliere aux tetes bretonnes, et qu'ils doivent, si l'on en
croit le systeme de Gall, au developpement exagere des organes de
l'entetement.
Aussi, cet homme a-t-il deux noms:
Son nom familier, le nom sous lequel le designent ses soldats: la
_tete ronde_.
Puis son nom veritable, celui qu'il a recu de ses dignes et braves
parents, Georges Cadudal, ou plutot Georges Cadoudal, la t
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