and entrait a Nantes.
Si nous voulons savoir le resultat de sa mission, nous devons, non
pas le suivre pas a pas, au milieu des tatonnements dont l'abbe
Bernier enveloppait ses desirs ambitieux, mais le prendre au bourg
de Muzillac, situe entre Ambon et le Guernic, a deux lieues au-
dessus du petit golfe dans lequel se jette la Vilaine.
La, nous sommes en plein Morbihan, c'est-a-dire a l'endroit ou la
Chouannerie a pris naissance; c'est pres de Laval, sur la closerie
des Poiriers, que sont nes de Pierre Cottereau et de Jeanne Moyne,
les quatre freres Chouans. Un de leurs aieux, bucheron
misanthrope, paysan morose, se tenait eloigne des autres paysans
comme le chat-huant se tient eloigne des autres oiseaux: de la,
par corruption, le nom de _Chouan._
Ce nom devint celui de tout un parti; sur la rive droite de la
Loire, on disait les _Chouans _pour dire les Bretons, comme, sur
la rive gauche, on disait les _brigands_ pour dire les Vendeens.
Ce n'est pas a nous de raconter la mort, la destruction de cette
heroique famille, de suivre sur l'echafaud les deux soeurs et un
frere, sur les champs de bataille, ou ils se couchent blesses ou
morts, Jean et Rene, martyrs de leur foi. Depuis les executions de
Perrine, de Rene et de Pierre, depuis la mort de Jean, bien des
annees se sont ecoulees, et le supplice des soeurs et les exploits
des freres sont passes a l'etat de legende.
C'est a leurs successeurs que nous avons affaire.
Il est vrai que ces gars sont fideles aux traditions: tels on les
a vus combattre aux cotes de la Rouerie, de Bois-Hardy et de
Bernard de Villeneuve, tels ils combattent aux cotes de Bourmont,
de Frotte et de Georges Cadoudal; c'est toujours le meme courage
et le meme devouement; ce sont toujours les soldats chretiens et
les royalistes exaltes; leur aspect est toujours le meme, rude et
sauvage; leurs armes sont toujours les memes, le fusil ou le
simple baton que, dans le pays, on appelle une _ferte_; c'est
toujours le meme costume, c'est-a-dire le bonnet de laine brune ou
le chapeau a larges bords, ayant peine a couvrir les longs cheveux
plats qui coulent en desordre sur leurs epaules; ce sont encore
les vieux _Aulerci Cenomani, _comme au temps de Cesar, _promisso
capilto; _ce sont encore les Bretons aux larges braies, dont
Martial a dit:
"_Tam taxa est_...
"_Quam veteres braccae Britonis pauperis_."
Pour se proteger contre la pluie et le froid, ils portent la
casaque de peau de chevre g
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