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-- Alors maintenant, dit M. Vulfran, demande-leur pourquoi ils
viennent huit jours avant la date fixee pour leur arrivee; cela
fait que l'ingenieur qui devait les diriger et qui parle anglais
est absent."
Elle traduisit cette phrase fidelement, et tout de suite la
reponse que l'un d'eux lui fit:
"Ils disent qu'ayant acheve a Cambrai le montage de machines plus
tot qu'ils ne pensaient, ils sont venus ici directement au lieu de
repasser par l'Angleterre.
-- Chez qui ont-ils monte ces machines a Cambrai? demanda
M. Vulfran.
-- Chez MM. Aveline freres.
-- Quelles sont ces machines?"
La question posee et la reponse recue en anglais, Perrine hesita.
"Pourquoi hesites-tu? demanda vivement M. Vulfran d'un ton
impatient.
-- Parce que c'est un mot de metier que je ne connais pas.
-- Dis ce mot en anglais.
-- _Hydraulic mangle_.
-- C'est bien cela."
Il repeta le mot en anglais, mais avec un tout autre accent que
les ouvriers, ce qui expliquait qu'il n'eut pas compris ceux-ci
lorsqu'ils l'avaient prononce; puis s'adressant au directeur:
"Vous voyez que les Aveline nous ont devances; nous n'avons donc
pas de temps a perdre: je vais telegraphier a Fabry de revenir au
plus vite; mais en attendant il nous faut decider ces gaillards-la
a se mettre au travail. Demande-leur, petite, pourquoi ils se
croisent les bras."
Elle traduisit la question, a laquelle celui qui paraissait le
chef fit une longue reponse.
"Eh bien? demanda M. Vulfran.
-- Ils repondent des choses tres compliquees pour moi.
-- Tache cependant de me les expliquer.
-- Ils disent que le plancher n'est pas assez solide pour porter
leur machine qui pese cent vingt mille livres..."
Elle s'interrompit pour interroger les ouvriers en anglais:
"_One hundred and twenty_?
-- _Yes_.
-- C'est bien cent vingt mille livres, et que ce poids creverait
le plancher, la machine travaillant.
-- Les poutres ont soixante centimetres de hauteur."
Elle transmit l'objection, ecouta la reponse des ouvriers, et
continua:
"Ils disent qu'ils ont verifie l'horizontalite du plancher et
qu'il a flechi. Ils demandent qu'on fasse le calcul de resistance,
ou qu'on place des etais sous le plancher.
-- Le calcul, Fabry le fera a son retour; les etais, on va les
placer tout de suite. Dis-leur cela. Qu'ils se mettent donc au
travail sans perdre une minute. On leur donnera tous les ouvriers
dont ils peuvent avoir besoin: charpentiers, macons.
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