es employes.
Elle s'en trouva encouragee et put se raidir contre l'emotion qui
la troublait.
"Comment t'appelles-tu? demanda M. Vulfran.
-- Aurelie.
-- Qui sont tes parents?
-- Je les ai perdus.
-- Depuis combien de temps travailles-tu chez moi?
-- Depuis trois semaines.
-- D'ou es-tu?
-- Je viens de Paris.
-- Tu parles anglais?
-- Ma mere etait Anglaise.
-- Alors, tu sais l'anglais?
-- Je parle l'anglais de la conversation et le comprends, mais...
-- Il n'y a pas de mais, tu le sais ou tu ne le sais pas?
-- Je ne sais pas celui des divers metiers qui emploient des mots
que je ne connais pas.
-- Vous voyez, Benoist, que ce que cette petite dit la n'est pas
sot, fit M. Vulfran en s'adressant a son directeur.
-- Je vous assure qu'elle n'a pas l'air bete du tout.
-- Alors, nous allons peut-etre en tirer quelque chose."
Il se leva en s'appuyant sur une canne et prit le bras du
directeur.
"Suis-nous, mon enfant."
Ordinairement les yeux de Perrine savaient voir et retenir ce
qu'ils rencontraient, mais dans le trajet qu'elle fit derriere
M. Vulfran, ce fut en dedans qu'elle regarda: qu'allait-il advenir
de cet entretien avec les mecaniciens anglais?
En arrivant devant un grand batiment neuf construit en briques
blanches et bleues emaillees, elle apercut Mombleux qui se
promenait en long et en large d'un air ennuye, et elle crut voir
qu'il lui lancait un mauvais regard.
On entra et l'on monta au premier etage, ou au milieu d'une vaste
salle se trouvaient sur le plancher des grandes caisses en bois
blanc, bariolees d'inscriptions de diverses couleurs avec les noms
_Matter_ et _Platte, Manchester_, repetes partout; sur une de ces
caisses, les mecaniciens anglais etaient assis, et Perrine
remarqua que pour le costume au moins ils avaient la tournure de
gentlemen; complet de drap, epingle d'argent a la cravate, et cela
lui donna a esperer qu'elle pourrait mieux les comprendre que
s'ils etaient des ouvriers grossiers. A l'arrivee de M. Vulfran
ils s'etaient leves; alors celui-ci se tourna vers Perrine:
"Dis-leur que tu parles anglais et qu'ils peuvent s'expliquer avec
toi."
Elle fit ce qui lui etait commande, et aux premiers mots elle eut
la satisfaction de voir la physionomie renfrognee des ouvriers
s'eclairer; il est vrai que ce n'etait la qu'une phrase de
conversation courante, mais leur demi-sourire etait de bon augure.
"Ils ont parfaitement compris, dit le directeu
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