ger vert.
Quand a la fin de l'apres-midi du dimanche Rosalie arriva dans la
carriere, elle trouva Perrine assise devant son feu sur lequel la
soupe bouillait:
"Je vous ai attendue pour meler le jaune d'oeuf a la soupe, dit
Perrine, vous n'aurez qu'a tourner avec votre bonne main pendant
que je verserai doucement le bouillon; le pain est taille."
Bien que Rosalie eut fait toilette pour ce diner, elle ne craignit
pas de se preter a ce travail qui etait un jeu, et des plus
amusants pour elle encore.
Bientot la soupe fut achevee, et il n'y eut plus qu'a la porter
dans l'ile, ce que fit Perrine.
Pour recevoir sa camarade qui tenait encore sa main en echarpe,
elle avait retabli la planche servant de pont:
"Moi, c'est a la perche que j'entre et sors, dit-elle, mais cela
n'eut pas ete commode pour vous, a cause de votre main."
La porte de l'aumuche ouverte, Rosalie ayant apercu dressees dans
les quatre coins des gerbes de fleurs variees, l'une de massettes,
l'autre de butomes roses, celle-ci d'iris jaunes, celle-la
d'aconit aux clochettes bleues, et a terre le couvert mis, poussa
une exclamation qui paya Perrine de ses peines.
"Que c'est joli!"
Sur un lit de fougere fraiche deux grandes feuilles de patience se
faisaient vis-a-vis en guise d'assiettes, et sur une feuille de
berce beaucoup plus grande, comme il convient pour un plat, la
perche etait dressee entouree de cresson; c'etait une feuille
aussi, mais plus petite, qui servait de saliere, comme c'en etait
une autre qui remplacait le compotier pour les groseilles a
maquereau; entre chaque plat etait piquee une fleur de nenuphar
qui sur cette fraiche verdure jetait sa blancheur eblouissante.
"Si vous voulez vous asseoir", dit Perrine en lui tendant la main.
Et quand elles eurent pris place en face l'une de l'autre, le
diner commenca.
"Comme j'aurais ete fachee de n'etre pas venue, dit Rosalie,
parlant la bouche pleine, c'est si joli et si bon.
-- Pourquoi donc ne seriez-vous pas venue?
-- Parce qu'on voulait m'envoyer a Picquigny pour M. Bendit qui
est malade.
-- Qu'est-ce qu'il a, M. Bendit?
-- La fievre typhoide; il est tres malade, a preuve que depuis
hier il ne sait pas ce qu'il dit, et ne reconnait plus personne;
c'est pour cela qu'hier justement j'ai ete pour venir vous
chercher.
-- Moi! Et pourquoi faire?
-- Ah! voila une idee que j'ai eue.
-- Si je peux quelque chose pour M. Bendit, je suis prete: il a
ete bon pour moi;
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