es raiponces, des bettes et bien d'autres plantes
bonnes a manger.
-- Il faut savoir.
-- Mon pere m'avait appris a les connaitre."
Rosalie garda le silence un moment d'un air reflechi; a la fin
elle se decida:
"Voulez-vous que j'aille vous voir?
-- Avec plaisir si vous me promettez de ne dire a personne ou je
demeure.
-- Je vous le promets.
-- Alors quand voulez-vous venir?
-- J'irai dimanche chez une de mes tantes a Saint-Pipoy; en
revenant dans l'apres-midi je peux m'arreter."
A son tour Perrine eut un moment d'hesitation, puis d'un air
affable:
"Faites mieux, dinez avec moi."
En vraie paysanne qu'elle etait, Rosalie s'enferma dans des
reponses ceremonieuses, sans dire ni oui ni non; mais il etait
facile de voir qu'elle avait une envie tres vive d'accepter.
Perrine insista:
"Je vous assure que vous me ferez plaisir, je suis si isolee!
-- C'est tout de meme vrai.
-- Alors c'est entendu; mais apportez votre cuiller, car je
n'aurai ni le temps ni le fer-blanc pour en fabriquer une seconde.
-- J'apporterai aussi mon pain, n'est ce pas?
-- Je veux bien. Je vous attendrai dans la carriere; vous me
trouverez occupee a ma cuisine."
Perrine etait sincere en disant qu'elle aurait plaisir a recevoir
Rosalie, et a l'avance elle s'en fit fete: une invitee a traiter,
un menu a composer, ses provisions a trouver, quelle affaire! et
son importance devint quelque chose de sensible pour elle-meme:
qui lui eut dit quelques jours plus tot qu'elle pourrait donner a
diner a une amie?
Ce qu'il y avait de grave, c'etaient la chasse et la peche, car si
elle ne denichait pas des oeufs, et ne pechait pas du poisson, ce
diner serait reduit a une soupe a l'oseille, ce qui serait
vraiment par trop maigre. Des le vendredi elle employa sa soiree a
parcourir les entailles voisines, ou elle eut la chance de
decouvrir un nid de poule d'eau; il est vrai que les oeufs des
poules d'eau sont plus petits que ceux des sarcelles, mais elle
n'avait pas le droit d'etre trop difficile. D'ailleurs sa peche
fut meilleure, et elle eut l'adresse de prendre avec sa ligne
amorcee d'un ver rouge une jolie perche, qui devait suffire a son
appetit et a celui de Rosalie. Elle voulut cependant avoir en plus
un dessert, et ce fut un groseillier a maquereau pousse sous un
tetard de saule qui le lui fournit; peut-etre les groseilles
n'etaient-elles pas parfaitement mures, mais c'est une des
qualites de ce fruit de pouvoir se man
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