lle, ou d'ailleurs
elle n'avait pas a faire son diner, compose d'un poisson froid
pris et cuit la veille.
Justement Rosalie etait seule dans la cour, assise sous un
pommier; en apercevant Perrine elle vint a la barriere d'un air a
moitie fache et a moitie content:
"Je croyais que vous vouliez, ne plus venir?
-- J'ai ete occupee.
-- A quoi donc?"
Perrine ne pouvait pas ne pas repondre: elle, montra ses
espadrilles, puis elle raconta comment elle avait confectionne sa
chemise.
"Vous ne pouviez pas emprunter des ciseaux aux gens de votre
maison? dit Rosalie etonnee.
-- Il n'y a pas de gens qui puissent me preter, des ciseaux dans
ma maison.
-- Tout le monde a des ciseaux."
Perrine se demanda si elle devait continuer a garder le secret sur
son installation, mais pensant qu'elle ne pourrait le faire que
par des reticences qui facheraient Rosalie, elle se decida a
parler.
"Personne ne demeure dans ma maison, dit-elle en souriant.
-- Pas possible.
-- C'est pourtant vrai, et voila pourquoi, ne pouvant pas non plus
me procurer une casserole pour me faire de la soupe et une cuiller
pour la manger, j'ai du les fabriquer, et je vous assure que pour
la cuiller c'a ete plus difficile que pour les espadrilles.
-- Vous voulez rire.
-- Mais non, je vous assure."
Et sans rien dissimuler, elle raconta son installation dans
l'aumuche, ainsi que ses travaux pour fabriquer ses ustensiles,
ses chasses aux oeufs, ses peches dans l'entaille, ses cuisines
dans la carriere.
A chaque instant Rosalie poussait des exclamations de joie comme
si elle entendait une histoire tout a fait extraordinaire:
"Ce que vous devez vous amuser! s'ecria-t-elle quand Perrine
expliqua comment elle avait fait sa premiere soupe a l'oseille.
-- Quand ca reussit, oui; mais quand ca ne marche pas! J'ai
travaille trois jours pour ma cuiller; je ne pouvais pas arriver a
creuser la palette: j'ai gache deux morceaux de fer-blanc; il ne
m'en restait plus qu'un seul; pensez a ce que je me suis donne de
coups de caillou sur les doigts.
-- Je pense a votre soupe
-- C'est vrai qu'elle etait bonne...
-- Je vous crois.
-- Pour moi qui n'en mange jamais, et ne mange non plus rien de
chaud.
-- Moi j'en mange tous les jours, mais ce n'est pas la meme chose:
est-ce drole qu'il y ait de l'oseille dans les prairies, et des
carottes, et des salsifis!
-- Et aussi du cresson, de la ciboulette, des maches, des panais,
des navets, d
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